Invité à votre Congrès pour la section du PCF du pays de Meaux, je viens vous apporter le salut de mes
camarades meldois, un salut tout fraternel.
L’histoire entre le PCF et la CGT est une histoire longue, dense, riche et qui a été souvent
entremêlée.
Longtemps, les dirigeants du PCF ont d’abord été des militants et des dirigeants syndicaux,
avec en commun la pratique de la solidarité. Et, de manière toute personnelle, le fait d’avoir
réalisé l’ouvrage Un siècle de Vie ouvrière m’a fait découvrir en son entier la place majeure
qu’a occupée dans notre pays la Confédération Générale du Travail durant tout le siècle
dernier, place qu’elle occupe toujours aujourd’hui.
Ceux qui prédisaient l’étiolement, la fin même des organisations syndicales, du syndicalisme,
à commencer par M. Macron lui-même, Président de la République, qui pensait pouvoir s’en
abstraire, ont fait l’expérience, ces derniers mois, que ça n’était pas à l’ordre du jour.
Si vous me le permettez, je voudrais vous dire quelques mots à ce sujet. C’est-à-dire à
propos de cette stratégie du gouvernement qui a opposé - et ce, dès le début du conflit sur
la réforme des retraites - et qui continue d’opposer la légitimité des urnes à celle du
mouvement social.
Ainsi que le constate Alain Supiot, juriste du Droit du travail : « La démocratie sociale est un
remède aux insuffisances de la conception purement quantitative de la représentation
politique. Elle est née - continue-t-il - du choc de la révolution industrielle et du constat que la
société n’est pas le corps politique homogène rêvé en 1789, mais une « espèce de tout (…)
C’est l’exigence de justice qui conduisit, au 19ème siècle, les pays européens, confrontés à la
« question sociale des ravages humains de la révolution industrielle, à poser les premières
pierres d’un droit social visant à protéger leurs populations les plus fragiles, à commencer par
les femmes et les enfants d’ouvriers. »
C’est ainsi que l’écrivain Franz Kafka entrera au service de l’Institution d’assurance pour les
accidents des travailleurs du royaume de Bohême. Il aura pour tâche la limitation des risques
de sécurité encourus par les ouvriers qui doivent travailler sur des machines souvent
dangereuses à l’époque ; c’est dans ce but qu’il se rendra dans des usines et qu’il écrira des
manuels d’information dont on trouve trace encore aujourd’hui dans la législation
autrichienne. De plus, il sera responsable de la classification des usines dans des groupes de
risques. Le fait qu’il ait à contester des demandes d’indemnisation lui donnera parfois
mauvaise conscience, mais l’entreprise lui laissera souvent la possibilité d’être conciliant
avec les victimes, parfois blessées et handicapées à vie.
S’attachant au 20ème siècle, Alain Supiot nous dit encore que « Sauvegarder la démocratie
impose de s’opposer » à ce que l’économiste américain nomme « la capture de la
réglementation par de puissants groupes d’intérêt privés ». Pour cela, il convient d’en revenir
au principe établi par Montesquieu selon lequel « tout homme qui a du pouvoir étant porté à
en abuser, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Et Supiot
de continuer : « Cet impératif, qui a inspiré le New Deal aux Etats-Unis et en France le
préambule de la Constitution de 1946, est d’une brûlante actualité à l’ère des GAFA (Google,
Apple, Facebook, Amazon) et des Uber. »
Oui, Alain Supiot a raison d’affirmer que « C’est la conscience de cette insuffisance de la
représentation élective qui, depuis plus d’un siècle, a conduit à faire progressivement place à
la démocratie sociale. »
Démocratie sociale sans laquelle la démocratie représentative ne serait pas, n’est pas, complète. C’est
pourquoi aucun parti politique démocratique ne saurait ni ignorer, ni se substituer, encore moins
dicter quoi que ce soit aux organisations syndicales. Cela me fait songer à cet extrait d’un film de
Stan Neumann, Le Temps des ouvriers, où l’on voit un dirigeant du Parti communiste tchèque
des années soixante s’adresser à des ouvriers en grève du haut d’un balcon pour leur dire qu’on
ne confie pas la direction de l’économie à des enfants et la foule des ouvriers répliquer et
scander en chœur : « Nous ne sommes pas des enfants ! ».
Ainsi que le remarque encore Alain Supiot : « Malgré tous leurs défauts, qui sont nombreux, les
syndicats ont de la réalité des conditions de vie et de travail de l’ensemble de la population une
connaissance dont aucun parti ni commentateur politique ne peut aujourd’hui se prévaloir. »
Et à propos des déficits voire des défaillances des partis de gauche, permettez-moi de citer un
dirigeant syndical qui n’est pas de la CGT puisqu’il s’agit de Laurent Berger, secrétaire national
de la CFDT : « Je crois que la gauche s’est fait piéger dans l’idée que le travail était un lieu
d’exploitation et d’aliénation… Sans doute parce qu’elle n’a pas réuni en son sein assez de
travailleurs ».
Les travailleurs de notre pays ont besoin d’une CGT forte, combative, audacieuse. Une CGT
renforcée en adhérents, une CGT informant et défendant partout les travailleurs face aux
agissements intolérables, inacceptables du Capital.
Ainsi que le déclarait votre toute nouvelle secrétaire générale, Sophie Binet : « On a 30.000 nouvelles
adhésions depuis le début de l’année ! Il va falloir aussi aller chercher les autres salariés. Un
rapport de force de court terme a été mis en place. Mais le moyen d’être gagnant en définitive,
c’est la syndicalisation. Si, à l’issue du mouvement, les syndicats doublent leurs effectifs, le
rapport de force sera considérablement transformé, non seulement avec Emmanuel Macron,
mais aussi avec le patronat, sur nos enjeux quotidiens : le temps de travail, la pénibilité, les
salaires, le sens du travail. »
Bon Congrès à l’Union locale CGT de Meaux !