Valère Staraselski

1909-2009 Un siècle de Vie Ouvrière
Claudie Kibler Andreotti - La Marseillaise
7 septembre 2009

La Marseillaise - Lundi 7 septembre 2009

Actualité

L’ouvrage relate le courage de ces femmes, de ces hommes, qui ont lutté pour l’amélioration matérielle et morale de l’humanité.

un siècle de vie ouvrière

Lecture. Denis Cohen et Valère Staraselski ont conçu un ouvrage relatant les grandes étapes de la publication syndicale qui fête cette année son centenaire.

Regard sur « un siècle de Vie ouvrière »

Plus de sept cents illustrations, photographies et témoignages... Ce livre émouvant, aux dimensions imposantes, est préfacé par Bernard Thibault.
« Rares sont les journaux qui peuvent célébrer leur centième anniversaire. La Vie ouvrière a cet honneur, et c’est pour toute la CGT un motif de fierté. Cette longévité, le journal la doit d’abord à son ambition au service du syndicalisme et de la lutte émancipatrice du monde du travail. Une ambition affichée depuis le premier jour et qui ne s’est jamais démentie », écrit le secrétaire général de la CGT. Et de citer un court passage de la « Lettre familière aux abonnés possibles » que publie l’un des fondateurs de La Vie ouvrière dans son premier numéro d’octobre 1909, moins de quinze ans après la naissance de la CGT : « Nous voudrions qu’elle rendît des services aux militants au cours de leurs luttes, qu’elle leur fournisse des matériaux utilisables dans la bataille et dans la propagande et qu’ainsi l’action gagnât en intensité et en ampleur ». Sacré programme dont chacun verra, à la lecture de ce livre, qu’il fut toujours tenu, bravant difficultés et épreuves.
Année après année sont évoqués luttes, progrès. « Journal de tendance avant de devenir pleinement celui de la confédération tout entière, La Vie ouvrière sauva son honneur en suspendant sa parution à la veille de la Première Guerre mondiale quand tout sombrait dans l’union sacrée, y compris la CGT d’alors. Il connut la clandestinité dans la France occupée, fut un combattant incessant de l’unité syndicale et joua un rôle non négligeable dans l’avènement de la conception moderne du syndicalisme qui est la nôtre aujourd’hui », poursuit Bernard Thibault.

Luttes et acquis.
Ce magnifique document, lourd d’informations, riche de photos, aborde les dates essentielles antérieures à la création de La Vie ouvrière, à l’union sacrée et la Grande Guerre.

Tout commence en 1884 lorsque la loi Waldeck-Rousseau légalise les syndicats et abolit définitivement la loi Le Chapelier (1791) qui interdisait toute forme d’organisation au monde du travail. En 1908, la Fédération des mineurs rallie la CGT. Le 24 janvier, Jaurès demande à la Chambre le retrait des troupes françaises au Maroc. Le 2 juin, affrontement à Draveil entre grévistes et forces de l’ordre. 4 juin, transfert des cendres de Zola au Panthéon. 30 juillet-1er août, la troupe met fin à la grève. Président du Conseil, Clémenceau ordonne l’arrestation de syndicalistes CGT et, le 1er août, l’ensemble de la direction de la CGT est en prison...
On se souviendra ainsi de ces événements qui ponctuent l’histoire, et surtout on apprendra beaucoup. Comment ne pas saluer le courage de ces femmes, de ces hommes, qui ont lutté pour l’amélioration matérielle et morale de l’humanité, qui tels des forgerons polissent jour après jour leur ouvrage afin que les acquis soient, que nul n’oublie, que les femmes gardent en mémoire que la loi prévoyant « qu’une femme qui exerce une profession distincte de celle de son mari a seule le droit de toucher son salaire et d’en disposer » date de juillet 1908, que Marie Curie fut le 5 novembre 1906 la première femme professeur de la Sorbonne. Que de luttes, de renoncements, de souffrances pour parvenir aux acquis dont certains bénéficient aujourd’hui ignorant souvent ceux qui ont œuvré pour cela, parfois au péril de leur vie.

Contexte mondial.
Dans une chronologie détaillée, les événements marquants sont finement analysés. L’ouvrage relate, dénonce, évoque ce qui fit la France laborieuse d’aujourd’hui, mais n’oublie pas de s’étendre à l’Europe et au monde entier pour que le contexte mondial ne soit pas occulté.
Les fins de mois terribles des ouvriers sont relatées. Décembre 1952, « Alain Bombard traverse l’Atlantique sur son canot en 65 jours, sans vivres » ; janvier 1954, « L’abbé Pierre lance son appel à l’insurrection de la bonté » pour les sans-logis et « Institution de la TVA ». En février 1956, vague de froid. L’hiver frappe les foyers ouvriers : « A la maison, on tire la langue. Au marché...ça grimpe ». C’était en février 1957...
Des titres récurrents émaillent les années : « Chômage, cette plaie de la jeunesse », « Non, l’ennemi n’est pas l’immigré ». Ce magnifique et passionnant ouvrage très illustré, document historique évoquant la lutte mais aussi l’actualité culturelle et politique des époques successives, se termine en avril 2009 avec « les séquestrations qui se multiplient dans certaines entreprises annonçant des suppressions massives d’emplois ». La NVO constate que « pour la première fois, l’ensemble des syndicats appelle à faire du 1er mai une grande journée de protestation contre les effets de la crise et pour des solutions alternatives ». L’histoire, comme la mer, éternellement recommencée...

Claudie Kibler Andreotti

« Un siècle de Vie ouvrière » de
Denis Cohen et Valère Staraselski
éditions du cherche midi
collection Documents