Valère Staraselski

Le Parlement des cigognes
"Cracovie, sang sur neige"
Jérôme Skalski
L’Humanité-septembre 2017

Le Parlement des cigognes nous emmène dans la Pologne placée sous le joug du Troisième Reich.

Après L’Adieux aux rois (2013) et Sur les toits d’Innsbruck (2015), c’est à la rencontre d’un vieil homme au regard bleu que nous convie le dernier roman de Valère Staraselski, publié au éditions du cherche midi. Un vieil homme rencontré au détour d’une promenade entre amis devant un tableau exposé dans l’annexe du musée des Beaux-Arts de Cracovie, à l’étage de la halle aux draps, en plein centre de la vieille ville de l’ancienne capitale de la Pologne. La première partie s’anime des éclats de rire d’un groupe de jeunes français découvrant, insouciants, la surface de la Pologne contemporaine. La seconde partie, brisant la glace des apparences et des non-dits imprimés jusque dans les vieilles pierres et les terrains vagues de la ville, ramène à la surface un passé de douleurs et d’atrocités qui reprend vie à travers le témoignage de l’homme aux yeux si clairs, Zygmunt, rescapé du génocide des juifs polonais perpétré il y a un peu plus de soixante dix ans par les troupes du troisième Reich avec la complicité des collaborateurs d’une Pologne placée sous le joug sanguinaire de l’Allemagne nazie.


Un pouvoir magique de stupéfaction


Devant Le Parlement des cigognes de Ladislas Maliki, tableau d’où exhale l’atmosphère humide des sous-bois que l’on retrouve dans ceux deCorot et de l’école de Barbizon, c’est celle de la Pologne occupée après la chute du gouvernement des colonels au pouvoir après la mort de Pilsudski, qui reprend vie avec une force d’évocation peu commune. Le Parlement des cigognes, à la manière de l’antique Conférence des oiseaux du poète soufi persan Farid Al Din Attar, a bien un pouvoir magique de stupéfaction. À l’heure où les spectres du fascisme, de l’antisémitisme et de l’anticommunisme semblent se réveiller au-delà de l’Oder, les bords de la Vistule mais aussi enHongrie ou encore enUkraine, c’est une promenade dans Cracovie riche d’enseignements sur les potentialités destructrices de l’homme moderne et de l’oubli. Comme l’écrit Brecht dans la Résistible ascension d’Arturo UI, "Le ventre est encore fécond d’où surgi la bête immonde". Fondé sur des témoignages arrachés aux annales de fer, de feu et de sang de l’histoire réelle, un livre de résistance mais aussi d’irrésistible espérance.