Valère Staraselski

Nuit d’hiver
Interview Valère Staraselski - Franca Maï
septembre 2008

Ça cogne dans la tête du petit Joseph Esperandieu.

Se retrouver placé, avec sa frangine Marjolaine, à l’âge de deux ans et demi chez les Rigal - famille de substitution parce que la mère est dingue - est un supplice au quotidien, même si la tutrice, Jacqueline, baptisée la Sournoise, se trouve être la tante et la propre sœur de sa génitrice.

Les liens de sang ne temporisent guère, bien au contraire, ils soulignent le rejet de « l’aliénée » avec pour justificatif le sens du devoir et du droit chemin.

Mais la sente en Seine et Oise, est peuplée d’humiliations distillées avec une cruauté croissante par Willy, le cousin machiavélique, au regard torve. Progéniture programmée en bourreau au rythme des récriminations et des frustrations incessantes de la Sournoise.

Violences et ennui enrubannent le destin de Joseph Esperandieu.
les lapins !...Mammifères végétariens à la fourrure si douce,
Heureusement, les animaux veillent...
Deux poissons rouges, un canari, le chat Nicky et surtout auxquels le gosse prodigue des soins journaliers tout en leur causant ... Ces petites bêtes lui autorisent une complicité inattendue avec son oncle pourtant porté sur le vin, les coups de ceinturon et qu’il appelle Papa.

Rien n’est jamais définitif au demeurant. Le soleil bienveillant terrasse son infortune, car l’école tenue par Madame d’Ablancourt est un véritable havre de sérénité.
Et le gosse aime apprendre.
L’échappée existe.
Joseph Esperandieu n’hésite pas.
La rage au ventre, il tient enfin sa revanche.

Ce très beau roman de Valère Staraselski prend à la gorge. Peut-être parce-qu’entre les lignes, on soupçonne un vécu réel. Et on se dit qu’il faut énormément de force pour s’arracher de certaines mauvaises herbes. Curieusement, "Nuit d’hiver" possède une odeur. Celle des années soixante. Mélange de bakélite, de brocs de plastique en forme de cône tronqué, de tomettes rouges hexagonales, de ballots de paille, de poêles mourants, de chevaux croisant des Panhard et Peugeot roulant au pas, de tomates juteuses, de marelles de filles, de gauloises bleues ... Une époque pourtant pas si éloignée mais qui semble une éternité au regard d’aujourd’hui, tellement le progrès et la vitesse ont tout aseptisé, brouillant implacablement nos cinq sens.

Franca Maï

source :
e-torpedo
Bellaciao
Sistoeurs.net