Valère Staraselski

Une Histoire française, Paris, janvier 1789
" Valère Staraselski" - Jean-Michel Platier
septembre 2007

Valère Staraselski écrit.
Depuis 1989 notamment, date de son premier roman, qui marqua toute une génération, Dans la folie d’une colère très juste.
Depuis, il n’a cessé de faire paraître au public romans, essais, nouvelles, articles dans la presse, critiques de livres... Son dernier roman,Une histoire française, Paris janvier 1789 s’inscrit dans cette recherche de la narration, de l’écriture, de l’invention créatrice.
Valère Staraselski n’est surtout pas un auteur comme les autres. Car, dans chacun de ses textes, au-delà de l’écrit existe un message, une interpellation qui ne laisse jamais indifférent le lecteur. Il n’est pas dans une quête futile égotiste, ni dans la reconnaissance proclamée des médias. Valère Staraselski poursuit son chemin d’écrivain et ce roman s’inscrit encore une fois dans ce face à face, auteur-lecteur, prenant en compte une période historique fondamentale dans l’histoire de France.

Une Histoire française est avant toutes choses l’histoire d’un homme, Marc-Antoine Doudeauville, qui rencontre la grande Histoire, celles des 25 années précédant la Révolution française, l’histoire de la fin du XVIIIème siècle, qui finit bel et bien en 1789. A cette date, un monde meurt avant que ne naisse la République. Doudeauville est renversé par un cheval dans les rues de Paris, chose qui n’est pas exceptionnelle à cette époque... Mourant, il souhaite laisser un témoignage de sa vie. Georges de Coursault, homme de lettres, est alors recruté comme scribe afin de laisser l’histoire d’un homme ordinaire qui, finalement, aura eu une vie extraordinaire dans le Paris des deux derniers rois de France.

Durant son récit autobiographique, Doudeauville évoque sa vie, enfant trouvé ayant eu un destin hors du commun puisqu’il finira avocat. S’il n’y avait eu son accident, on pressent son destin éventuel durant les années 1789-1794...
Mais l’essentiel n’est pas là. Son histoire est celle de cette société française hiérarchisée, inégalitaire. C’est surtout l’histoire politique, culturelle, philosophique et financière de la France de Louis XVI. Un cercle d’amis lettrés, lors de discussions passionnées, se confrontent, échangent, sous le sceau de l’amitié, des avis, des opinions sur les philosophes, les écrivains, les Voltaire, Diderot, qui forment le socle de la pensée française, et au-delà la pensée occidentale d’alors.

Ce roman est aussi une grande leçon d’histoire politique. Au travers de mille détails de la vie quotidienne, Valère Staraselski nous jette dans la réalité d’un Paris très dur, soumis aux rigueurs des saisons, des décisions arbitraires des puissants, des luttes parlementaires... Et le résultat n’en est que plus surprenant : le roi, les ministres, Turgot, Necker, Malesherbes, ne sont en aucune façon caricaturés.

L’auteur dresse l’histoire complexe de combats contradictoires et souligne, dans une rigueur d’historien, le rôle progressiste, la volonté modernisatrice des hommes du pouvoir qui se heurte à la fois à la classe des privilégiés, une noblesse de robe en perte de vitesse par rapport une bourgeoisie capitaliste - la richesse de nom se trouvant balayée en quelques années par la richesse pécuniaire - alliée objective desParlements qui n’ont pour objectif que la stricte conservation de leurs pouvoirs.
Ainsi, on peut conclure - peut-être hâtivement - que la Révolution ne naît que de l’exaspération populaire de ne voir l’ancienne société évoluer plus rapidement, changer et muter, du fait de rapports de force opposés et qui a priori se neutralisent. C’est la description d’une société politique bloquée. La Révolution serait née de ce malentendu. Ce que les hommes du pouvoir ne purent ou surent construire, le peuple, les hommes issus des Lumières l’ont précipité, dans une accélération inédite de l’Histoire...

Alors, que nous dit Valère Staraselski ?

Ce spécialiste, docteur es lettres, de l’œuvre de Louis Aragon, ne nous raconte pas qu’une histoire, ni des histoires... Ce roman, dans lequel il ment si peu pour nous dire qui il est, comment il vit, ce qu’il pense et surtout pourquoi il écrit, intervient alors que la situation politique actuelle de la France est des plus confuses et peut être ainsi comparée à celle de la fin du XVIIIe siècle... déficits publics immenses, crise morale et crise des valeurs essentielles de la société, émeutes provoquées par la misère, nombre élevé de suicides, absence de réel débat démocratique caractérisé par la non prise en compte des récents scrutins électoraux, tous les pouvoirs détenus dans les seules mains d’élites technocratiques ou financières...

La liste est longue des désastres advenus et à venir. Et Valère Staraselski nous dit simplement et calmement que l’impossible est toujours imaginable. Et qu’un ordre établi, aussi puissant fût-il, peut être renversé, pour le meilleur ou pour le pire.

Si chaque époque a ses aristocrates, ses égoïsmes, ses lâchetés, ses conformismes, comme le précise la quatrième de couverture, l’auteur a su réaliser un immense travail d’investigation, digne d’un véritable historien, pour mieux établir des passerelles avec la réalité de la France de 1789 et celle de ce début de XXIème siècle. Et l’on se souvient que l’Europe fut française, de par sa langue, sa culture, sa diplomatie. La 1ère République, celle des Etats-Unis d’Amérique, n’a pu vaincre l’oppression britannique que grâce aux troupes de Lafayette. La fin de ce XVIIIème siècle a bouleversé le monde, et ainsi le XIXème fut français malgré tout... de par son dynamisme politique, pictural, littéraire, et économique.

Valère Staraselski dit qu’il faut parfois peu de choses, celles-ci ayant mûri pendant des décennies, pour qu’un monde nouveau éclate et se tourne sur le monde.

Ce roman est un appel à cette résurrection et c’est pourquoi il ne s’adresse pas seulement qu’aux lecteurs français ! Ce livre, à plusieurs niveaux de lecture, est un vrai roman. Celui de vies imbriquées, de ces vies humaines qui ne s’élèvent et ne se réalisent que par l’absorption du monde tel qu’il est, dans un échange fulgurant où ce qui construit l’être rejaillit forcément sur l’ensemble des hommes.

Parce qu’il n’est pas caricatural, qu’il est écrit dans une langue française pure et classique, parce qu’il apporte à sa lecture informations, connaissances, réflexions et analyses, ce roman fera date et constitue un vrai événement littéraire.

Il serait bon qu’il ne rencontre pas le complot du silence, cette marque d’un ordre ancien, celui-là même qui aboutit à l’anéantissement de l’ancien régime qui, par trop devenu immoral, s’est effondré dès la convocation desétats généraux qui le furent, ne l’oublions pas, en particulier sur l’insistance et à l’appel de la noblesse...

Jean-Michel Platier
(septembre 2007)
Valère Staraselski est l’auteur aux éditions du cherche midi de Sur les toits d’Innsbruck, L’Adieu aux rois, Le Maître du jardin, dans les pas de La Fontaine,
Nuit d’hiver
Une Histoire française, recommandé par Historia,
Un homme inutile, Monsieur le député.

Aux éditions De Borée, en format de poche Nuit d’hiver,
Une histoire française.

Aux éditions Seuil Jeunesse La jeune fille au ruban, illustrationAnne Buguet.

Valère Staraselski est l’auteur aux éditions de L’Harmattan de Dans la folie d’une colère très juste.