Valère Staraselski

Vivre intensément repose - Nouvelles du siècle dernier
Des chatons et des mésanges - Raymond Vidal
Le Patriote - 23 novembre 2007

"Vivre intensément repose" affirme Valère Staraselski (1) : le titre de ce recueil de huit nouvelles ne surprendra personne par ici où l’on se souvient encore de l’animation donnée voici quelques années par ce jeune écrivain à la Journée du livre organisée par nos copains de Foix. Rien d’étonnant donc que ce titre en forme de proverbe vienne sous la plume de celui dont le prénom signifie, en latin, "être bien portant"...

Ces huit textes, d’inégales longueurs, datés en sous-titre "du siècle dernier", parlent, chacun à sa façon de la vie vivante. Nés de l’imagination de leur auteur et reliés à la vie vécue ou rêvée, c’est tout un. Et si le premier où Lise, sur la toile, aime à citer Baudelaire, nous ramenait au "Roman inachevé" d’Aragon, à ces quelques vers d’un poème qu’il intitula « Le mot vie » ? Ecoutez : "O femme notre cœur en lambeaux si quelque chose en doit survivre / Faut-il que cela soit comme une fleur séchée au fond d’un livre / Cette lueur de coupe-gorge aux jardins de Cagliostro".

Ou bien, l’histoire inventée, forcément inventée, de ce commandant de police que le souvenir de son camionneur de père retient de se conduire comme un robot. Je me souviens , au début des années 70, d’un violent affrontement, à Montredon-des-Corbières, entre viticulteurs en colère et forces de l’ordre. On avait tiré de part et d’autre et relevé deux morts : un vieux vigneron réduit au "dernier croustet" par la mévente de son vin et un officier de CRS, lui-même fils de paysans bretons. Pauvres contre pauvres...

Il y a aussi dans ce village de vacances de Cogolin géré par les syndicats, à deux pas de la fausse Venise pour rupins de Port-Grimaud, le beau personnage de Ginette dont le cauchemar récurrent de déportation est avivé par cette coupure de journal qui laisse apparaître le tentacule contemporain de la "bête immonde".

Zizou, Louise et Rosa

C’est encore la vengeance de Sylvie, la jeune infirmière, contre le vieux bourreau qui licencia frauduleusement sa mère : de nos jours, on parlerait de harcèlement...mortel. Et puis, le ton change, et le rythme aussi, pour l’histoire de Pascale et du vieux M. Mangelli, une histoire, comme dit Valère Staraselski, "d’attention à l’autre, de générosité, de solidarité", sous-tendue comme un leitmotiv par ce thème pour clavecin de François Couperin-le-Grand (mais l’histoire en égrène les notes au piano...), "Les Barricades mystérieuses".

Parfois, le "Chaminadour" de Marcel Jouhandeau fait un bizarre et logique écho à l’admiration des gamins des cités pour Zizou et autres grands du foot, le temps de dire qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre et que les classes de "perf" ne sont pas, forcément, des dépotoirs.

Enfin, avec les dix lignes, laconiques comme un fait-divers, du "Jeune inconnu" à l’harmonica, on trouve, adapté de Louise Michel et de son ami communard assassiné Théophile Ferré, une autre histoire de barricade, moins mystérieuse, celle défendue à Neuilly contre les Versaillais et où la grande Louise sauva...un chaton. Cela ne vous rappelle-t-il pas cette lettre qu’écrivait du fond de sa prison une autre grande, Rosa Luxembourg (voir "Le Patriote" 1018 du 27/04/07) ? Elle s’y plaint de la disparition des oiseaux chanteurs, comme programmée par les hommes, et termine, un peu provocatrice : "Dans mon for intérieur, j’appartiens plus aux mésanges qu’à mes « camarades".

Et lui, Valère, avec sept personnages féminins sur huit nouvelles, n’appartient-il pas au moins autant aux femmes, aux chatons et aux mésanges, tandis que s’égrènent les notes de Couperin ?

Allons, cher Staraselski, comme on dit en latin, "Vale !", c’est à dire porte-toi intensément !

Raymond Vidal