80 ans après son exécution avec ses 22 camarades de combat par les nazis, la France reconnaît la part essentielle prise, dans la résistance à l’occupation nazie, par l’ouvrier et poète communiste d’origine arménienne Missak Manouchian et ses camarades immigrés.
Au matin du 21 février 1944, « un grand soleil d’hiver éclaire la colline »* autrement dit, le Mont-Valérien, dans l’ouest parisien, où se dresse un fort militaire devenu depuis la Seconde Guerre mondiale un lieu de commémoration. Dans une petite clairière située à l’intérieur de ce fort, vingt-cinq résistants seront fusillés. Trois jeunes Bretons, des lycéens de Saint-Brieuc, pour « activité de franc-tireur et participation à un meurtre » puis vingt-deux des vingt-trois membres du groupe Manouchian. La seule femme de ce groupe de résistants démantelé par la police française aux ordres du pouvoir collaborationniste de Vichy, Olga Bancic, sera transférée à la prison de Stuttgart pour y être décapitée. Attachés chacun à un poteau, les vingt-deux hommes font face au peloton d’exécution. Leur haleine s’échappe en vapeur dans l’air froid. Ils ont refusé d’avoir les yeux bandés.
Missak et Mélinée Manouchian un couple de résistants
La médiatisation du procès du « groupe Manouchian » qui s’était ouvert quelques jours auparavant avait pour objectif, ainsi que l’indiquait un tract réalisé par la propagande allemande, de montrer que la Résistance de France était « commandée par les étrangers, (…) inspirée par des Juifs ». En clair, « Une armée du crime » qu’une affiche sur fond rouge et noir de la même propagande allemande placardée à 15.000 exemplaires, avec les photos de dix membres du groupe et celle de Manouchian au centre, entendait dénoncer au public. Or, cette affiche eut un effet contraire à celui attendu. De nombreux anonymes déposèrent des fleurs au pied de ces affiches quand d’autres inscrivaient les mots « Morts pour la France » faisant écho aux paroles de Missak Manouchian lancées à ses accusateurs lors de son procès : « Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée ».
Un homme qui a marqué l’histoire de France
Et pour cause, né en Arménie, où il verra, enfant, sa famille décimée lors du génocide perpétré par les armées turques sur les Arméniens, cet homme sera un des principaux artisans de la Résistance armée française immigrée à l’occupant nazi, créateur des Francs-Tireurs et Partisans de la main d’œuvre immigrée de la région parisien (FTP-MOI), structure mise en place par le Parti communiste. Il mourra ainsi qu’il l’écrira à son épouse Mélinée « en soldat régulier de l’Armée française de la Libération ».
« Oui, cet homme mérite de reposer au Panthéon à côté de Jean Moulin ».
Son sacrifice sera immortalisé par le poème d’Aragon Strophes pour se souvenir mis en chanson par Léo Ferré sous le titre L’affiche rouge, chanson qui restera censurée et interdite à la radio et à la télévision françaises jusqu’en 1981 et le film de Robert Guédiguan L’Armée du crime. Mais aussi par les noms de voies, monuments et commémorations décidées par nombre de collectivités locales. Ainsi, sur proposition de François Asensi, la Ville de Tremblay en France commémore, chaque 21 février, la mémoire de cet homme qui a marqué l’histoire de la Résistance, l’histoire de France..
Evoquant l’an dernier sa possible entrée au Panthéon, monument républicain où reposent 81 hommes et femmes incarnant les valeurs et les idéaux de la République française, François Asensi déclarait notamment : « Oui, cet homme mérite de reposer au Panthéon à côté de Jean Moulin. » A quoi il ajoutait : « Il va sans dire que ce serait un acte fort contre les thèses les plus détestables qui envahissent notre espace public aujourd’hui. Le combat de Manouchian n’est pas un combat du passé, c’est un combat du présent, c’est même un combat de l’avenir parce que c’est un combat universel ».
*Strophes pour se souvenir, poème de Louis Aragon.