PCF "Nous sommes la gauche de Roussel !" la phrase est prononcée avec enthousiasme et fierté. Cette fierté des pionniers qui se savent isolés mais qui sont persuadés d’être à la veille de grandes conquêtes. Valère Staraselski, proche du secrétaire national du PCF, est de ceux qui pourrait apporter, lundi, pour le traditionnel défilé du premier Mai, un drapeau rouge dans une main et le drapeau tricolore dans l’autre. Ces derniers mois, cet essayiste et écrivain, féru d’une histoire de France qui ne commence pas à la Révolution, a accompagné Fabien Roussel dans sa tournée nationale. Elle a précédé leur 39e congrès qui s’est conclu le 10 avril à Marseille par une large réélection, à plus de 80pour cent desquelque 700 délégués. Staraselski a consigné des milliers de notes dans ses carnets, pour un livre à paraître. Il bouillonne. Benoit payan, le maire PS de Marseille, nous l’a dit lors de son discours : " C’est vous, les communistes qui êtes le moteur de la gauche. " Né en 1957, entré dans le parti à l’âge de seize ans, il ne l’a jamais quitté. Sa vie d’intellectuel et de militant se résume dans ces vers d’Aragon : " Honte à qui trouve sa limite, à qui sa limite suffit". Un pur dans son genreA gauche et au PCF, certains les appellent les "red raides". Ils ont la main sur le parti, surtout depuis le congrès et le départ du conseil national, leur parlement, de figures historiques de l’ère d’avant, celle du sénateur sortant Pierre Laurent.
Coloration franc-maçonne
Membre de l’exécutif national, chargé des idées et du programme, Christian Piquet est le principal instigateur de la ligne Roussel, dans laquelle souligne un parlementaire, « on trouve une forte coloration franc-maçonne ». Autour de lui, le toulousain Pierre Lacaze, responsable des élections au PCF et conseiller régional proche de la présidente PS d’Occitanie, Carole Delga, joue un rôle clef. Comme le Parisien Igor Zamichiei, "meilleur connaisseur de l’appareil », assure-t’-on. Christian Picquet est un ancien de la LCR. Compagnon de route de Jean-Luc Mélenchon au temps du Front de gauche, il a rompu en 2014 et rejoint la place du Colonel-Fabien. Leur désaccord était plus stratégique qu’idéologique. « A l’heure où Mélenchon prônait les frontières, Picquet nous traitait de nationaliste ", ironise un vieil Insoumis qui reconnaît la propre évolution du tripe candidat à la présidentielle sur le sujet. Théoricien, Picquet –de son vrai nom, Lamothe - commente avec passion leur ligne qui tient en un triptyque : « Travail, République et souveraineté de la France. »
Il précise : « Celle des communistes n’a rien à voir avec la version rabougrie de l’extrême droite. Elle est portée vers l’extérieur, la collaboration, la solidarité vis-à-vis des autres peuples et indispensable au vu des crises qu’ont traversées et traversent les Français. » Picquet est convaincu que « l’héritier de Jaurès et de ses propos si modernes sur la nation, c’est Fabien Roussel ». Ce dernier a construit toute sa campagne présidentielle sur cet axe. Malgré les sondages et un bon accueil sur le terrain, le score est resté faible (2,28%). Peu importe. "Les communistes ont constaté que cette ligne répondait à un besoin réel pour retrouver le monde du travail et des catégories populaires qui se détournent de la politique." Picquet en veut pour preuve les sondages. Selon un classement Ifop du 13 avril, Fabien Roussel apparaît en effet à 34% comme la personnalité de gauche incarnant le mieux l’union en vue de la prochaine présidentielle, devant Bernard Cazeneuve (27%), Jean-Luc Mélenchon (26%) et François Ruffin (26%).
Pourtant, le 10 avril, dans son discours, après une dénonciation des forces du capitalisme, le député du Nord a franchi un pas, dénonçant des frontières transformées « en passoires ». La polémique a enflé à gauche. Il a été accusé de jeter une tache brune sur le drapeau rouge et s’est vite expliqué. Ses propos concernaient les marchandises et capitaux, pas les migrants. Même si en matière d’immigration, Roussel l’a assumé sur BFM : "Il faut être plus ferme, oui". " à vouloir s’aveugler, il y a un sérieux problème avec les passeurs mafieux qui font des migrants de la chair à canon ou équivalent ", complète Picquet, remonté "contre ceux qui voudraient faire de Fabien Roussel un réac".
Débats houleux
Pourtant, les propos du dirigeant du PCF font tousser certains qui jusque-là restaient discrets, parfois satisfaits de voir leur drapeau reprendre des couleurs. Sénatrice sur le départ après avoir longtemps dirigé le groupe PCF, Eliane Assassi – qui a volontairement quitté le Conseil national – pointe la formule « très déplacée » de Fabien Roussel. Les tensions s’expriment aussi dans un durcissement des relations avec L’Humanité, dirigé par le sénateur de Seine Saint-Denis, Fabien Gay. Au congrès, des débats houleux ont porté sur les liens à redéfinir entre le parti et le quotidien historique. La crise ne date pas d’hier. A la fin de l’été, Valère Staraselski, aussi chroniqueur littéraire pour L’Humanité, a reçu une lettre du secrétaire général, Anthony Daguet, lui enjoignant de ne plus se rendre sur la chaîne CNews. Une même demande a été faite à son camarade et autre chroniqueur, l’écrivain Vincent Roy, non encarté mais ancien responsable de la revue historique communiste, consacrée à l’agriculture, La Terre. Dans ce courrier que Le Figaro a pu consulter, il est écrit : « Nous souhaiterions que tu ne participes plus à ces émissions afin que la confusion qui pourrait s’établir, entre ce qui s’y dit et les valeurs que nous promouvons, cesse. "
L’intéressé aujourd’hui, tire sur L’Humanité, qualifiée ’as "sociation sectaire composée, en majorité, non de journalistes communistes mais bien de militants gauchistes guidés par le seul ressentiment : » la plèbe d’en bas » pour paraphraser Nietzsche. Wokisme, islamo-gauchisme, néoféminisme débondant : tout y passe à l’envi. Voici les nouveaux ciseaux d’Anastasie ! » Fabien Gay n’a pas répondu à nos demandes de réponse. Plus modéré, Olivier Dartigolles, ex porte-parole du PCF, chroniqueur sur CNews et dans La Terre , proche de Fabien Roussel, « comprend » ceux qui ne veulent pas se rendre sur CNews. Sans démordre de sa conviction : "Il faut être présent partout. Laisser les couleurs de la droite et de l’extrême-droite en face du macronisme, ça nourrit l’idée, dit-il, que la seule alternative au macronisme serait une glissade vers le RN. » Il ajoute " La gauche a aussi tout intérêt à se saisir – avec son propre contenu progressiste - des thématiques de la sécurité et de l’immigration. "