Valère Staraselski

De nouveau, se dresser contre l’antisémitisme
L’Humanité -21 février 2019

Valère Staraselski, écrivain, auteur du Parlement des cigognes, distingué par le prix Littérature de la Licra.

Pour la première fois, depuis la Seconde Guerre mondiale, on tue des juifs en Europe parce que juifs. Récemment, en France, croix gammées sur des portraits de Simone Veil, arbres à la mémoire de Ian Halimi vandalisés, tag Juden sur la vitrine d’un restaurant…

Souvenons-nous, des cris de « morts aux juifs », « tuons les juifs », proférés à l’Est mais aussi en Suède comme en France. Souvenons-nous de la déclaration d’Anita Lasker-Wallfich , 92 ans, survivante d’Auschwitz, l’an dernier au Bundestag où siègent désormais des néonazis : « Quel scandale que des écoles juives et même des jardins d’enfants doivent être protégées par la police ! »

Souvenons-nous de Sébastien Sellam, 23 ans, tué le 20 novembre 2003 par Abdel Amastaibou qui déclare tout de suite après : « J’ai tué un juif ! J’irai au paradis » et précise aux policiers : « C’est Allah qui le voulait ».

Le mal s’est répandu au point qu’il a même gagné les rangs de la gauche européenne. Le chef du parti travailliste de Grande Bretagne, Jeremy Corbin lui-même, a dû l’admettre et le condamner publiquement. La gauche française n’est pas épargnée non plus. En ce pays, nous dit Christian Picquet sur son blog : « 30 ans de déferlement néolibéral couplés à la volonté des classes dirigeantes de substituer un multiculturalisme d’inspiration anglo-saxonne à une exceptionnalité républicaine indissociable de la recherche du bien commun », ont fait beaucoup de dégâts. Chez certains jeunes, influencés par l’extrême droite identitaire comme chez d’autres qui dévoient la solidarité envers les Palestiniens en une haine anti-israélienne, la haine des juifs l’emporte et cimente la pire des idéologies. Celle qui confond politique d’un gouvernement avec les gouvernés et qui ferait passer l’antisémitisme pour une lutte des classes !

S’agissant de l’antisémitisme, le rabbin Delphine Horvilleur mentionne : « Le racisme est souvent affaire de complexe de supériorité : je possèderais quelque chose qu’un autre n’a pas ou moins que moi. L’antisémitisme, au contraire, se construit sur une forme d’infériorité ressentie. On reproche aux juifs d’être plus ou d’avoir plus. Et elle ajoute : « Pas étonnant dés lors que l’antisémitisme prospère toujours là où l’armature et le lien social se fissurent. »

Les croix gammées tracées sur la devanture du local du Parti communiste français à Vienne, en Isère, rappelle que la gauche française s’est aussi constituée dans la défense d’Alfred Dreyfus, notamment derrière Jean Jaurès.

Une participante à la marche en mémoire de Mireille Knoll, cette vieille dame juive assassinée l’an dernier, déclarait au Monde : « Si on est juif et de gauche, on est d’autant plus mal, car qui reconnaît cet antisémitisme à gauche ? »

Fort heureusement, l’initiative de la tenue de manifestations partout en France, mardi dernier, montre que la gauche peut et doit reprendre la tête du combat contre l’antisémitisme.