Préface d’Arlette Vidal- Naquet
Un homme de son temps
La position d’un écrivain, d’un intellectuel, engagé dans une organisation politique - de droite, du centre, de gauche ou d’ailleurs et peu importe l’époque - n’a jamais été des plus aisées. Quand elle n’est pas risquée. Mais n’est-ce pas, après tout, le prix à payer pour ne pas s’en tenir à ce que chacun à en propre et fuir l’entre-soi pour enfin se mêler activement de ce qui regarde tout le monde ?
Ajoutons à cela, la non-reconnaissance assurée de part et d’autre, car chez la plupart des politiques comme des créateurs d’ailleurs, on ne croit guère au mélange des genres. Chacun chez soi, dit-on.
L’énergie mise dans l’action politique ne dessert-elle pas le travail artistique et intellectuel ? La création artistique et intellectuelle n’éloigne-t-elle pas de la réalité de l’exercice des responsabilités politiques ?
Problématique vieille comme le monde humain qui a bien sûr saisi Valère Staraselski qui nous assure pourtant qu’il lui est difficile de faire autrement, tant le réel entremêle l’idéologie et l’imaginaire. Et de nous citer Dante, Hugo, Aragon et bien d’autres encore.
« Valère Staraselski, c’est une œuvre considérable » écrivait Rémi Boyer dans L’Humanité du 13 mars 2015 au sujet de l’ouvrage d’entretien de celui-ci avec Vincent Ferrier : « Écrivain talentueux, engagé, exigeant, à la croisée des mondes et des cultures, habitué des chemins de traverse et des écoles buissonnières, Valère Staraselski est un romancier, avant tout un penseur, à la fois éveilleur politique et philosophe du quotidien, c’est-à-dire qu’il vit en incarnant ce qu’il enseigne et transmet. Un homme rare par conséquent dans un monde où l’artifice est célébré à chaque instant. »
Je ne saurais mieux dire, moi qui clame haut et fort et à qui veut l’entendre, que Valère Staraselski est un homme de son temps !
L’originalité du parcours de celui qui fut un enfant volé, son farouche besoin de vérité, son incapacité à être un courtisan, à appartenir à un clan, expliquent son refus des rapports féodaux ou ceux liés à une subordination illégitime. Et c’est sans doute en raison même de l’entièreté de son implication intellectuelle, politique et civique qu’il est assez largement lu, c’est-à-dire compris.
Mais également qu’il est, soit ignoré, combattu même, par certains tenants de divers pouvoirs. Pour les conformistes en tous genres, l’intelligence représente toujours un danger.
Préférant le loup au chien de la fable de Jean de La Fontaine, auteur à qui il a consacré un roman remarqué et remarquable, seuls comptent, à ses yeux, la décision, l’esprit de suite et le travail qui l’attend sur le métier.
En ce volume, à l’exception de la tragédie israélo-palestinienne (ses lecteurs connaissent sa militance en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés de l’État israélien et son rejet absolu de la logique des extrêmes) les textes ici présentés recouvrent l’essentiel de ce qui a composé l’actualité de la décennie 2013-2023 : l’insistance du religieux, du sacré, dans notre présent, la présence non moins insistante de la Nation, la demande de justice sociale avec le mouvement des Gilets jaunes, le combat toujours recommencé contre l’antisémitisme, la nécessaire et salutaire interrogation du communisme et l’impérieuse nécessité de la connaissance de l’Histoire.
À lire ou relire ces chroniques, on songe à Cassandre qui, on ne le dira jamais assez, faisait des prédictions jamais écoutées et cependant toujours réalisées, sauf que l’auteur de ces chroniques sait suffisamment se faire entendre. Et à le lire, on se dit que oui, décidément, Valère Staraselski est un homme de son temps. Une conscience de son temps.
Arlette Vidal-Naquet