Le centenaire de La Vie Ouvrière
« Rares sont les journaux qui peuvent célébrer leur centième anniversaire. La Vie Ouvrière a cet honneur, et c’est pour toutela CGT un motif de fierté. » C’est ainsi que s’ouvre la préface deBernard Thibault à ce magnifique livre que nous offrent Valère Staraselski et Denis Cohen.
Retracer cent ans de La Vie Ouvrière tenait de la gageure, mais le pari est tenu.
Fort d’une iconographie importante (plus de 700 illustrations et photographies), cet ouvrage, structuré en neuf périodes, retrace l’histoire du journal, mais aussi celle de la CGT et du mouvement ouvrier. Chaque double page propose, en son centre, de nombreuses illustrations reproduisant des « unes » et des extraits d’articles, des encadrés donnant des éclairages rédigés par des historiens, tels Michel Dreyfus, des dirigeants de la CGT et, de part et d’autre, une colonne retraçant les événements traités chronologiquement par La VO.
Le 5 octobre 1909 paraît, sous une couverture grise et en petit format, le premier numéro du bimensuel La Vie Ouvrière. (Pour un historique plus complet de la VO et des publications syndicalistes en général, se reporter à l’article d’Elyane Bressol, pages 19 à 21. NdlR). Son titre a été choisi en référence à l’ouvrage des frères Pelloutier, La Vie ouvrière en France. Son objectif est de contribuer, selon la formule de Pelloutier, « à donner à l’ouvrier la science de son malheur ».
L’ouvrage suit, pas à pas, ce siècle de La VO, les grands moments, les années noires. Interrompue durant la Grande guerre, l’édition reprend en 1919, alors que se profile l’ombre de la scission. La revue devient, en janvier 1922, l’organe de la CGTU. La ligne est fixée : « Notre mot d’ordre est bien net et bien précis. Syndicalisme révolutionnaire d’abord ! Unité syndicale quand même ! ».
En 1936, à l’heure de la réunification syndicale, La Vie Ouvrière devient de fait organe de tendance et ouvre de nouvelles rubriques : « Les arts et les sciences », « Sport et syndicats »... Francis Jourdain y déclare : « Débrouiller un peu - à l’occasion de l’actualité - le problème de l’alimentation intellectuelle des travailleurs manuels [...], ce n’est pas à combattre que je les convie, mais bien plutôt à échanger leurs points de vue. » Le journal accueille désormais de grands écrivains, comme Romain Rolland.
Condamnée à la clandestinité pendant presque cinq années, La Vie Ouvrière livre une chronique de la Résistance dont le livre porte les traces émouvantes. A nouveau légale, elle salue la mémoire de ses collaborateurs prestigieux qui, tels Jean-Pierre Timbaud et Pierre Semard, sont tombés. Elle n’oublie pas les milliers de diffuseurs clandestins qui ont payé d’un prix très élevé leur engagement syndicaliste et résistant.
L’ouvrage rappelle également la place très importante tenue par La VO au cours des années de guerre froide, son rôle dans les mobilisations contre les guerres d’Indochine et d’Algérie, son engagement internationaliste constant.
La Vie Ouvrière - qui a perdu, le 9 avril 1952, sa caractéristique d’organe de tendance - est devenue un grand journal officiel de la CGT. Elle s’est constamment adaptée aux évolutions de la société et du monde. Elle a changé de forme à plusieurs reprises et même parfois d’intitulé principal. Mais, dans le cœur des militants, elle est toujours restée La Vie Ouvrière.
Elle poursuit aujourd’hui son chemin.
Valère Staraselski/Denis Cohen, 1909-2009 - Un siècle de Vie ouvrière, aux éditions du cherche midi, 2009, 176 p. 30 euros.