Valère Staraselski

Entretien avec Valère Staraselski
Lucien Wasselin - Chemins de Traverse
juillet 2016

L’Ours blanc renoue avec une tradition bien oubliée de nos jours intéressés à la promotion de ce qui va dans le sens d’une Histoire aux ordres du pouvoir (ou des pouvoirs), dont le seul objectif est de faire tinter la caisse enregistreuse ! Celle de la collection des Poètes d’aujourd’hui où le choix des poèmes était précédé d’un essai alimenté de citations de l’auteur. La collection Portraits de l’Ours blanc a choisi, pour son premier numéro, Valère Staraselski qui est un romancier et essayiste pas du tout dans l’air du temps : il est communiste, il défend une écologie qui n’a rien à voir avec les apparatchiks de ce mouvement politique, il est acteur d’une vieille mais toujours jeune volonté de changer le monde.

L’entretien n’occupe que les 40 premières pages de l’ouvrage, il est suivi d’un « questionnaire » de Proust, d’articles (inédits ou déjà publiés) de Vincent Ferrier à propos des livres de Valère Staraselski, d’articles d’auteurs différents à propos des mêmes volumes et d’une bibliographie du romancier à qui est consacré cet entretien... Le lecteur aura ainsi un point de vue aussi complet que possible sur l’auteur d’Une Histoire française. On peut retenir de l’entretien cette anecdote qui en dit long : lors d’une Fête de l’Humanité, au Village du livre, Valère Staraselski côtoyait André Stil qui lui déclara « toi, tu aimes les autres ! Ça se voit » et lui serra la main avec chaleur... Imagine-t-on plus belle confidence, plus beau portrait ? Si ces lectures diverses donnent parfois envie de reprendre l’un des livres de Valère Staraselski aux fins de vérification ou de correction, la partie essentielle de cet ouvrage reste l’entretien ; le romancier répond sans détours aux questions qui lui sont posées... On peut à partir de ces dernières mettre en évidence sept centres d’intérêt qui sont ainsi explorés : le devenir écrivain de Staraselski, son réalisme, l’idée qu’il se fait de la nation, son altruisme, les rapports entre le christianisme et le communisme, la femme et la notion d’engagement. Se dégage de cet entretien un portrait de Valère Staraselski à l’opposé du convenu. Son analyse du gauchisme (qui s’alimente de celles de Pasolini) ne laisse pas indifférent quand on constate les dérives droitières de la « gauche » au pouvoir ! C’est que le pouvoir ne l’intéresse pas pour le plaisir d’être au pouvoir mais comme un outil pour changer le monde et la vie, c’est que Valère Staraselski accorde le primat au collectif, à la société, non à l’individu. Ce qu’il affirme dans sa comparaison entre le christianisme et le communisme est étonnant, il fait sienne cette affirmation de Bernard Marris « le communisme est le christianisme remis sur ses pieds », il fait même du communisme un christianisme matérialiste et athée ! L’époque n’est pas à la confusion mais aux correspondances ; il y a là de quoi militer pour un pluralisme sans concessions... (Et l’athée convaincu que je suis est à l’aise dans ces propos). Honnêtement, je pense que si le pape actuel a raison quand il juge de « fumier du diable » le capitalisme généralisé et l’argent-roi, je pense en même temps que l’Église officielle est incapable d’imposer cette déclaration tant elle est divisée en fractions opposées... Reste que je suis d’accord avec lui quand il met en avant « le renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination ».

Mais ce petit livre est à lire de la première à la dernière ligne ; il est inutile de le résumer ou de le discuter. L’essentiel est bien, pour reprendre les termes de Micheline Kottis, de « pratiquer au quotidien le don et le partage dans un univers qui les ignore et dont les passions et les émotions nées des sens comme des sentiments avortent dans l’insignifiance ». Ou de se souvenir de ce qu’affirmait Yves Bonnnefoy que cite Valère Staraselski, à savoir que la poésie « est un des actes par quoi une conscience peut essayer de se désentraver des motivations qui la fragmentent, pour s’établir dans un réseau de significations qui assurent notre unité ».

Lucien WASSELIN.

Vincent FERRIER : « Entretien avec Valère Staraselski ». L’Ours blanc éditeur, collection Portraits. 132 pages, 12 €. (sur le site http://assocloursblanc.over-blog.com, rubrique commande).