Rencontre avec un honnête écrivain
"Tout ce que j’écris ressort d’une tension entre mon existence et celle des autres parce que le réel, c’est d’abord les autres."
Valère Staraselski s’explique. Il lève un coin du voile sur l’homme derrière l’écrivain, si tant est que l’on puisse les séparer... Répondant aux questions de Vincent Ferrier dans un petit ouvrage qui inaugure une nouvelle collection de L’Ours Blanc intitulée Portraits, il revient sur son parcours. Celui d’un jeune homme de grande banlieue grandi dans une famille d’accueil, travaillant dès son jeune âge pour apporter sa part et gagner en indépendance. "Le seul endroit où je me sentais libre et moi-même, c’était dans les romans que je lisais", explique-t-il. De là à s’imaginer écrivain ? Un océan à traverser. Ses premiers livres furent consacrés à Aragon, de par ses travaux universitaires. Puis, il se jeta lui-même dans les eaux salées de la littérature. Pour lui, elle est le lieu d’une quête : comprendre, parce que "l’artiste participe de la connaissance du monde" en même temps que "de sa création". Le fameux mentir-vrai cher à Aragon.
Valère Staraselski se découvre, offrant ses passions à notre curiosité. Son goût de la nation contre celui de la race, comme une construction culturelle assumant sa part d’universel.
Son altruisme essentiel, « forme la plus courante de l’amour », qui débouche sur un sens du devoir, en quelque sorte et sur l’engagement. Son intérêt pour le christianisme, tout en étant athée et matérialiste, en lequel il voit l’une des sources du communisme.
Son communisme, un engagement au service du bien commun, « devenu, depuis quelque temps, une entreprise qui tient de l’héroïsme », « ou du sacerdoce »... On se laisse porter par le regard de l’écrivain, pour qui « le rôle de la littérature consiste à faire ou à laisser parler ce qui vit et palpite derrière ou au-delà des significations ». C’est en écrivant, pour « chercher le vital de la vie » que l’homme épris d’honnêteté a trouvé son utilité. Sur la table, l’écrivain apporte les mots des autres, qui le nourrissent et éclairent sa propre démarche. Les mots sont posés avec fermeté et délicatesse à la fois.
Ce livre éclair, qui comprend également le regard de critiques sur ses livres, donne envie de découvrir ou de redécouvrir son oeuvre romanesque, depuis ce portrait amer d’un député libéral, à cette ballade mélancolique et enfiévrée Sur les toits d’Innsbruck, en passant par les bouillonnements de la Révolution française.