Valère Staraselski

L’Adieu aux rois, Paris janvier 1794
Causeur.fr - Culture Politique - Philippe Lacoche
"Des rois de France morts deux fois"
18 janvier 2014

Valère Staraselski raconte la profanation des tombes royales en 1793

“Encouragé par ce début, il n’a pas voulu se retirer sans obtenir quelque fragment d’Henri IV. Son corps un peu découvert par la position transversale de celui de Louis XIV présentait le pied droit. Il s’est alors emparé de l’ongle du pouce...”
Voilà ce qu’on peut notamment lire à la page 124 de L’Adieu aux rois, septième roman de Valère Staraselski qui exhume, c’est le cas de le dire, un pan d’histoire de la période révolutionnaire. Le but de Valère Staraselski ? Remettre les pendules à l’heure sur des événements peu connus, ou, très certainement, mal relatés, voire mal interprétés.

Nous sommes en 1793. Anglais, Autrichiens et Prussiens ne sont pas loin de Paris. Bordeaux et Lyon se rebellent contre la Convention. Insurgés, les Vendéens ont pris Saumur et Angers. C’est la guerre civile.

On invite à la destruction des mausolées royaux. Les cercueils des reines et de rois de France, religieux, grands hommes d’Etat sont ouverts ; les corps sont extraits et jetés dans des fosses communes.

Dans ce roman passionnant et très bien documenté de Valère Staraselski, un témoin des faits, Ferdinand Gautier (qui a réellement existé), catholique convaincu et royaliste, relate au quotidien les profanations à Marc Antoine Doudeauville, avocat favorable à Robespierre.

Un vrai roman ? C’est indéniable. Mais un roman truffé de réalité historique. “J’ai écrit L’Adieu aux rois parce que j’ai voulu comprendre ce qui c’était exactement passé avec les corps sacrés des rois dans la basilique de Saint-Denis en 1793, très précisément et en dehors de toute interprétation historique“, confie Valère Staraselski. “Au départ, c’est une volonté également de rétablir la vérité historique malmenée notamment par Lorant Deutsch lorsqu’il invente Robespierre coupant un morceau de la barbe du cadavre d’Henri IV ! Et cela passe allègrement sur les chaînes publiques de la télévision française...”

Pour ce faire, il a travaillé essentiellement sur archives. Il est parti du journal de Ferdinand Gautier qu’il a consulté à la Bibliothèque Nationale. Pour le reste, il a procédé à des recoupements avec les documents officiels sur ces exhumations, déposés aux Archives nationales et reproduits dans les œuvres d’Alexandre Lenoir, chargé des monuments par la Convention.
Staraselski donne, en tout cas, de Robespierre une autre image, “car, celle qu’il a en France ne correspond pas à la vérité des faits. Outre les contres vérités, inventions et calomnies sur l’homme, “psychologiser” et personnifier les raisons du cours de l’Histoire, pratique trop courante, n’est qu’une manière de rester à la surface. Et certainement pas de comprendre. Comme le dit Marx que j’ai placé en exergue : “Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein gré, dans les circonstances librement choisies.” Maximilien Robespierre a été un grand homme d’État, l’artisan principal de la création de la République française. Sa place devrait être au Panthéon. Du reste, des ouvrages récents donnent de l’homme et du politique une image qui correspond mieux à la réalité. N’oublions pas que c’est le peuple de Paris qui l’avait surnommé l’Incorruptible.”

Ce livre développe pourtant aussi un sentiment d’empathie pour la royauté et les rois de France. Paradoxe ? Pas tant que ça. Valère Staraselski pense que les rois de France, notamment les Robertiens, ont fait la France : “Déjà, Clovis avait assis la France sur des valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes. La France est une nation avec un fort sentiment d’appartenance et, comme le disait Aragon, une nation qui vit “sous le soleil de la diversité“. La France est un pays avec une véritable personnalité. Par exemple c’est le pays qui a inventé la nation civique fondée sur des valeurs indépendantes de toute origine ethnique et on sent bien, chez les Français, une résistance à l’abandon de la nation.”

Euphémisme de dire que ce livre singulier interpellera le Landerneau étriqué de la pensée unique. On est en droit de s’en réjouir.

L’Adieu aux rois Paris, janvier 1794, Valère Staraselski, Le cherche midi.