Valère Staraselski

L’Adieu aux rois, Paris janvier 1794
Jacques Barbarin - le site "Ciaovivalacultura"
25 septembre 2013

Valère Staraselski est un spécialiste d’Aragon auquel il a consacré 3 livres, une autobiographie et deux essais. Documentariste, il a rédigé 3 remarquables ouvrages sur le journal L’Humanité, l’hebdomadaire La vie Ouvrière et La fête de l’Humanité. Il a écrit aussi romans et recueils de nouvelles.

Dès son premier roman, Dans la folie d’une colère très juste Simone Gallimard apparente son écriture à celle de Jean Paul Sartre et de Louis Aragon. Mais le Staraselski qui nous occupe ici est celui qui est à cheval entre le romancier et l’historien.

Il a dédié en 2011 un roman à La Fontaine et son siècle, Le Maître du Jardin . 3 ans auparavant il faisait rencontrer histoire privée et publique avec Une histoire française .

Dans L’histoire française l’auteur décrit le Paris enneigé de janvier 1789, l’homme de lettres Georges de Coursault se rend chaque jour rue de Nevers, près du Pont-Neuf, chez l’avocat Marc-Antoine Doudeauville. Ce dernier, alité suite à un accident, lui dicte ses mémoires. Au fil de sa confession, défilent ainsi sous nos yeux, démentant bien des idées reçues, les quelque vingt-cinq années troublées qui précédèrent et annoncèrent le début de la Grande Révolution française.

Nous retrouvons les mêmes personnages dans L’Adieu aux Rois . Les 230 pages courent du 4 au 30 janvier 1794. Et l’histoire de cette période bouleversée, troublée, est concentrée dans la pièce unique de l’appartement de Marc-Antoine Doudeauville toujours dictant à Georges Coursault, en présence d’un ami commun, André de Maisonseule. L’enjeu de cette rencontre est la rédaction d’un mémoire destiné à Sébastien Bréhal, ami de Doudeauville, demeurant en Amérique et soucieux de connaître la situation du pays.

Apparaît un quatrième personnage, Ferdinand Gautier, catholique fervent et organiste titulaire des orgues de l’abbatiale de Saint-Denis. Pourquoi Doudeauville
l’a t-l fait venir ? Parce qu’il a été le témoin d’événements terribles. L’année 1793 a été une année terrible sur le plan extérieur comme sur le plan intérieur. : la France est assiégée, Lyon et Bordeaux sont en rébellion, les Vendéens sont insurgés :
terreur, sauvagerie et férocité caractérisent cette guerre civile.

Le conventionnel Barère appelle à la destruction des mausolées royaux. Les cercueils des rois et reines de France, princes, princesses... sont ouverts, leurs corps
extraits un par un puis jetés dans deux fosses communes. C’et à cela qu’assiste Gautier et qu’il relate à l’avocat robespierriste Doudeauville. Est-ce une sorte d’exutoire, de ressentiment du refoulé ? La dénégation est une façon de prendre acte du refoulé, c’est en fait déjà une suppression du refoulement, mais certes pas une acceptation du refoulé. Il s’agit de dénier l’histoire, au fond de dire qu’elle n’a pas existé. La première de couv’ est révélatrice : miroir brisé de l’image du roi le plus
populaire.

Mais là aussi se rencontre deux axes, dans le huis-clos de Doudeauville : celui - terrible - que rapporte Gautier, et celui de l’histoire que traverse la France. L’avocat
est - nous l’avons dit - robespierriste et le Maximilien qu’il nous fait toucher du doigt, en rapportant ses discours, ses interventions, est loin, tant s’en faut, du
« Dracula » qu’en à voulu retenir une complaisante histoire. C’est un être soucieux d’éviter le piège des passions, d’abord préoccupé de la souveraineté du peuple

Mais puisque je te dis que je n’invente rien ! ... C’est bien simple, rien de rien. Ainsi commence L’Adieu aux Rois . Tout de suite, on y est. Le style va être direct, on ne va pas se faire emberlificoter par un amas d’embrouillaminis. Un style direct, au service d’une écriture porteuse d’images fortes : Deux heures plus tard, le jour est levé. Un jour cotonneux de janvier. Un jour sans soleil. Depuis l’écritoire, un seul candélabre répand à présent une lueur vacillante mais assez vive dans l’espace clos.

En lisant ce livre, je ne pouvais m’empêcher de penser que l’an dernier, à la même époque, je visitais, pour la première fois, la basilique St Denis