Valère Staraselski

L’Adieu aux rois, Paris janvier 1794
"La Révolution reste encore à découvrir"
Rémi Boyer - L’Humanité - 10 septembre 2013

Ce roman historique met en scène dans un huis-clos intense et révélateur quatre hommes à Paris en pleine Révolution. Le royaliste Ferdinand Gautier, catholique fervent et organiste titulaire des orgues de l’abbatiale de Saint-Denis, Marc-Antoine Doudeauville, avocat robespierriste, Georges de Coursault et André de Maisonseule. L’enjeu de cette rencontre est la rédaction d’un mémoire destiné à Sebastien Bréhal, ami de Doudeauville, demeurant en Amérique et soucieux de connaître la situation du pays.

Valère Staraselski réussit à mettre en scène dans la pièce unique d’un appartement les enjeux, les paradoxes et les excès de cette Révolution que nous croyons bien à tort connaître, depuis les bancs de l’école.

Deux axes, tantôt parallèles, tantôt se croisant avec harmonie, tantôt se heurtant violemment, supportent l’écriture originale de ce texte. Le premier concerne l’exhumation des cadavres des rois et reines de France enterrés à Saint-Denis (devenue Franciade sous la Révolution) : démontage des monuments funéraires, récupération des matériaux réutilisables et des richesses puis transfert des cadavres dans deux fosses communes. Une profanation d’une violence inouïe pour Ferdinand Gautier et nombre de royalistes ou plus simplement de croyants. D’autres y voient un acte de justice, une « rectification » de l’histoire qui rend en quelque sorte les rois et reines aux peuples. Certains y voient une occasion de pillages, d’émotions malsaines, de vengeances, de ricanements et de beuveries. Le second axe concerne Robespierre que l’histoire, réductionniste, considère trop souvent comme sanguinaire et responsable des excès révolutionnaires.

Doudeauville va extraire des discours de Robespierre et de quelques autres témoignages de l’époque de quoi restituer un Robespierre mesuré, distant, soucieux d’éviter les pièges des passions guerrières et vengeresses, un homme d’abord préoccupé du politis et de la souveraineté du peuple, qui se heurtera au mur de la bêtise intransigeante et des intérêts particuliers quand lui voulait inviter au gouvernement et à la vision politiques.

Davantage que Robespierre, c’est, une fois encore, la démocratie et les principes et valeurs de la République que Valère Staraselski veut défendre. Comme très souvent dans ses écrits, il évoque le passé pour nous parler d’aujourd’hui et du futur que nous voulons établir.

En choisissant une construction littéraire risquée mais parfaitement maîtrisée, basée sur une étude érudite des documents, il maintient le lecteur dans la tension controversée d’une époque. La richesse subtile des émotions, des pensées, des propos, des gestes anodins mais si parlants des acteurs de ce huis-clos rend compte de l’extraordinaire complexité de l’époque la plus marquante, la plus bouleversante du dernier millénaire, un océan d’intranquillité fécond de libertés pour la plupart niées ou refusées encore de nos jours.
Dans le style sobre et élégant qui le caractérise Valère Staraselski poursuit son inlassable œuvre d’éveil de la conscience politique et de l’éthique sociétale, si absentes de ce début de siècle, si urgemment nécessaires.

Rémi Boyer

L’auteur sera présent au village du livre de la Fête de l’Humanité.