"Rois et reines, un moment de pure folie"
"Du passé faisons table rase" proclame un vers de L’internationale. Les bolcheviques russes ont joué du ciseau pour effacer, dans les archives, la trace des dirigeants purgés. Jusqu’aux dictateurs antiques qui traquaient le nom de leurs prédécesseurs gravés dans la pierre. Ce travers habituel de vouloir refaire l’Histoire n’est jamais allé aussi loin qu’en 1793, l’an II de la Révolution française. En août et en octobre, les sans -culottes, poussés par les éléments les plus radicaux du Comité de salut public, exhumèrent les 175 corps des rois, reines, princes et courtisans enterrés dans la basilique de Saint Denis.
VALERE STARASELSKI écrivain aragonien, raconte avec passion, distance et affliction, cet épisode plutôt occulté de l’histoire nationale. Après la décapitation de Louis XVI et Marie-Antoinette, l’exhumation et la dispersion des corps royaux dans des fosses communes est un sujet difficile, l’un de ces instants où les rapports de force politique (la République est assiégée de toutes parts) débouchent sur des débordements irrationnels, l’un de ces moments où les tabous sautent et qui reviennent longtemps hanter la conscience collective.
VALERE STARASELSKI met en scène l’évènement à travers l’organiste royaliste et catholique de Saint Denis (inspiré d’un personnage réel) qui a assisté, sidéré, aux exactions, et un avocat devenu robespierriste. Le récit de l’organiste permet de revisiter la longue chaîne desRois de France depuis Dagobert et les Mérovingiens jusqu’à Louis XV. Le compte rendu qu’en dresse l’avocat, à destination d’un Fançais de Boston, permet de restituer historiquement les évènements.Maximilien Robespierre en ressort grandi, point d’équilibre luttant contre sa droite et sa gauche, ne se résolvant à la mort du roi que pour faire vivre la République. Un an plus tard, la Convention ordonna l’exécution de Robespierre. Sa tête guillotinée et son corps furent jetés dans une fosse commune près de Monceau et aspergés de chaux vive. La révolution craignait que les morts parlent.
Patrice Trapier
L’Adieu aux rois, Valère Staraselski, éditions du cherche midi, 238 pages, 16 euros