La Fête de l’Humanité (80 ans de solidarité), Valère Staraselski.
Jeune et octogénaire.
Qui n’a entendu parler de la Fête de l’Humanité ? Chaque année, les journalistes se croient obligés de s’en gausser (foire commerciale, grand-messe, barbecue géant, disent-ils...) ou en font une analyse un peu plus sérieuse, pas toujours objective : ainsi va la chronique politique dans les grands moyens d’information. Valère Staraselski, pour les 80 ans de la Fête, a réalisé un album exceptionnel qu’on peut lire ou feuilleter de diverses manières.
Cet ouvrage est d’abord un album de famille et comme tout album de ce genre, les personnes concernées y rechercheront trace de leur vie passée, récente ou lointaine. Je n’ai pas échappé à la règle : ma première fête de l’Huma date de 1962. Je m’y suis rendu par le train avec un camarade de collège ; nous avons été hébergés par sa famille en banlieue et dès la première heure de la fête nous y étions... Nous avons dormi sous la tente pour ne pas perdre un seul instant. Ce n’est donc pas sans émotion que j’ai retrouvé quelques souvenirs : une vue partielle du camping de la Fête, quelques lignes sur la Cité internationale qui m’avait alors ému et fait découvrir l’immensité concrète du monde, l’hommage rendu aux neuf victimes du métro Charonne, la présence de Raymond Devos, que je me souviens encore d’avoir vu... Ce fut pour moi le début d’une fréquentation, certes irrégulière, de cette fête mais une fréquentation qui dure encore. Et d’autres souvenirs surgissent...
Mais il ne faut pas s’abandonner à la nostalgie car on peut lire ce livre de manière plus distanciée. Valère Staraselski a organisé son livre en 80 séquence (une par année) regroupées en cinq périodes qu’il caractérise historiquement : de « l’esprit du Front populaire » (1930-1949) au « rassemblement de la gauche sociale et politique » (2000-2010). C’est à un parcours historique qu’il invite le lecteur : l’histoire de la Fête. Il rappelle ainsi que la première édition, en 1930, est une réponse au pouvoir politique de l’époque qui veut liquider L’Humanité. La Fête est alors un moyen de récolter des fonds pour sauver le journal. En 2010, avec les difficultés que connaît la presse écrite en général - et la presse communiste en particulier -, ce n’est pas terminé, même si l’organisation d’une fête de cette ampleur reste un défi financier. Parcours historique aussi parce que Valère Staraselski définit chaque année par une compilation de faits exprimés sobrement, sans analyse : au lecteur d’aller voir plus loin. Mais ce contexte ainsi dressé permet de comprendre le caractère de la Fête et ses mots d’ordre. Et la façon dont le journal la voit. Devant l’espoir et la joie qui dominent dans les comptes-rendus de L’Humanité et les déclarations des uns ou des autres, on éprouve à la lecture un pincement au cœur. Comment cet immense espoir a-t-il pu avorter et laisser la place au monde que nous connaissons aujourd’hui ? Nul pessimisme cependant dans les propos de Valère Staraselski, qui ne manque pas de rappeler que cette fête est aussi un immense rendez-vous culturel, une occasion unique pour le plus grand nombre de se confronter aux œuvres de l’esprit : je n’oublie pas que c’est à la Fête de l’Huma, sur le stand de la galerie l’Art et la Paix, que j’ai acheté ma première lithographie de Kijno...
Nul pessimisme, mais au contraire une grande lucidité, qui rejoint celle d’Aragon citant Philippe-Auguste Jeanron, dans l’épilogue des Communistes : « L’avenir, la victoire, le repos ne nous appartiennent pas. Nous n’avons à nous que la défaite d’hier et la lutte de demain. » C’est finalement ce que dit ce parcours à travers 80 années de fête, 80 années de solidarité.
Lucien WASSELIN
Valère Staraselski, La Fête de L’Humanité (80 ans de solidarité), Le Cherche-Midi éditeur, 192 pages abondamment illustrées en quadrichromie, 32 €. Préface de Patrick Le Hyaric.