Valère Staraselski

La fête de l’Humanité, 80 ans de solidarité
"Pourquoi la fête de l’Humanité fait partie du patrimoine
national ?" Valère Staraselski - 2010 site Jol Press
13 septembre 2013

Pourquoi la fête de l’Humanité fait partie du patrimoine national ?

Ces artistes qui assumaient de se rendre à la fête de l’Huma pendant la Guerre froide

La fête de l’Humanité est devenue partie intégrante du patrimoine national. Les anonymes, militants, artistes, personnalités politiques, chacun à sa manière, façonnent
son originalité et en assurent le succès : Jacques Prévert, Charles Trenet, Jean Ferrat, Yves Saint Laurent, Picasso, Youri Gagarine, Johnny Hallyday, Jacques Brel, Juliette Gréco... Mais comment se déroulaient ces fêtes, à l’époque de l’URSS ? Extraits de « La
fête de l’Humanité : 80 ans de solidarité » de Valère Staraselski (Le cherche midi).

Selon Julien Clerc : « On ne peut ignorer la plus grande fête populaire française... »

Le 1er septembre 1983, le vol Korean Air Lines 007, vol régulier de la compagnie sud-coréenne Korean Air Lines, est abattu par un chasseur de l’Union soviétique à l’ouest de l’île de Sakhaline. L’avion de ligne transportait 269 passagers et membres d’équipage, dont le député démocrate conservateur américain Larry McDonald. Il n’y a aucun survivant.

L’affaire bouleverse le monde et en France, quelques jours après, se déroule la traditionnelle fête de l’Humanité. Les artistes s’y rendront-ils comme chaque année ?

Extraits de La fête de l’Humanité : 80 ans de solidarité de Valère Staraselski le cherche midi
Indigné, Le Quotidien de Paris du 9 septembre interroge les artistes qui se produisent sur la scène centrale
et réunit leur réponse sous le titre : « Ils seront à la Fête de l’Humanité, ils aiment ça. » « Si un ami me
conseillait de ne pas y aller, je lui répondrais aussitôt de me trouver une salle avec 200 000 personnes qui
ne soient pas, elles, des pisse-froid, comme le public parisien », répond Sapho.
Selon Julien Clerc : « On ne peut ignorer la plus grande fête populaire française... Que les hommes
politiques fassent leur boulot et qu’on ne m’emmerde pas avec Reagan, le goulag et l’Afghanistan. » Et
Francis Lalanne déclare quant à lui : « Si, sur le front de l’URSS, il y a une pancarte avec l’inscription
“communistes-marxisme”, les partis communistes de France ou d’ailleurs n’ont peut-être pas les mêmes
mots d’ordre. En attendant, à La Courneuve, je chanterai tout simplement devant des gens et non devant
un parti. »
Selon ce journal, la majorité du public réagit dans le même sens. 88% de ceux à qui l’on demande, cette année même, si « des désaccords politiques peuvent les faire hésiter à venir à la Fête »répondent par la négative.

Cette année 1983, Julien Clerc en duo avec Robert Charlebois, qui interrompt une de ses chansons pour
rendre hommage aux victimes du Boeing coréen, Francis Lalanne, Maxime Le Forestier, Isabelle Aubret,
Sapho, Mireille Rivat, Catherine Ribeiro sont sur la scène centrale.
Au sujet du geste de Robert Charlebois, alors que Lucien Marest écrit dans l’Humanité : « Il ne viendrait à
l’esprit d’aucun communiste de contester à qui que ce soit, où que ce soit, le droit de s’exprimer librement »,
Ivan Levaï, dans sa revue de presse radiophonique, explique : « Robert Charlebois, invité vendredi dernier
de Michel Drucker dans “Studio 1” avait prévenu qu’il ne laisserait pas passer sans rien faire la tragédie
du Boeing abattu. Hier après-midi, à La Courneuve, Charlebois a tenu parole. Il a interrompu sa chanson
Je veux de l’amour en ces termes : “Il me reste une minute à chanter. Je ne la chanterai pas. Je la dédie aux
269 absents de ce dimanche.” Témoignage du Matin de Paris : “Cette minute de silence a suscité plus d’applaudissements que de sifflets.” » Et il remarque que le journal « l’Humanité n’a rien escamoté. Il fallait que cela soit dit. C’est fait ».
Par ailleurs, toujours sur la scène centrale, un hommage à Lorca est donné par le ballet hongrois de Györ. « 20 h 30, dimanche soir, le vent soufflant en rafales projette un mur de pluie sur la grande scène, écrit
Philippe Meunier, de l’Humanité. À ses pieds, dans la nuit, des milliers de spectateurs luttent contre le
froid, assis dans la boue. Côté coulisse, l’angoisse au ventre, les artistes du ballet de Györ se préparent
pourtant à relever le défi du ciel. La bourrasque va se révéler comme le catalyseur de l’impossible. Les
vingt et un danseurs et danseuses hongrois vont créer l’événement dans l’événement qu’est déjà à ce
moment la Fête de l’Humanité. »
« L’homme gravé » : sous ce titre, 200 gravures de Dürer à Miró sont exposées, sous le chapiteau des
expositions pendant que les manuscrits de Marx le sont au village du livre où l’on célèbre le centenaire de sa
mort. Le stand du Comité central organise quant à lui une exposition sur les droits de l’homme, notamment
dans les pays sous-développés et dans leur rapport aux évolutions techniques.
Il s’agit là de l’un des trois thèmes sous lesquels se tient la Fête, « La paix » et « Produire français »
constituent les deux autres. Le stand de l’Humanité est consacré à la paix. « Si tu veux la paix, prépare la
paix et combats pour une paix juste et durable entre Libanais, Palestiniens et Israéliens », affiche-t-il.
Quant au mot d’ordre « Produire français », il faudra deux décennies pour que, par-dessus les railleries et
les accusations de nationalisme, voire de xénophobie, la réalité de ce qu’il représente s’opère dans les consciences, mais un peu tard pour le pays. Les communistes qui participent au gouvernement affirment que « croissance et justice doivent être les locomotives du train France ».
C’est ainsi, par exemple, qu’à l’espace Midi, des ouvriers, des techniciens, des scientifiques effectuent des démonstrations sous les yeux du public : montage et démontage d’une boîte de vitesses, comment est faite la fusée Ariane...

Par ailleurs, en prélude au meeting, deux cortèges circulent dans la Fête, composés des militants de Talbot,
de Renault-Flins, de la SKF d’Ivry, de Citroën-Aulnay et des Hauts-de-Seine, de Creusot-Loire, des mineurs
et de travailleurs du Nord, des mineurs de Carmaux, des sidérurgies de Sacilor. Invité d’une radio, Roland
Leroy déclare : « Nous sommes au gouvernement pas pour une raison de solidarité gouvernementale, nous sommes au gouvernement pour faire une certaine politique... celle qui a été choisie par la majorité des Français. »
Cette année-là, qui voit Yves Mourousi avec l’équipe de TF1 revenir et l’accordéoniste Marcel Azzola faire un
triomphe, une enquête conduite auprès de 2 373 personnes dont les résultats sont partiellement publiés par
l’Humanité Dimanche a été réalisée par un institut de sondage (l’IFOP) à la demande de la direction de la
Fête. Cette enquête fait apparaître très nettement qui vient à la Fête le plus souvent y revient...

La fête de l’Humanité 2004 Valère Staraselski - le cherche midi Site Jol Presse le 13 septembre 2013