Valère Staraselski

Le Maître du jardin, dans les pas de La Fontaine
François Bott - Service Littéraire
Octobre 2011

Une sieste avec La Fontaine


L’ART ROMAN : VALERE STARASELSKI

Une sieste avec La Fontaine

Un joli roman au parfum du XVIIème qui nous entraîne sur les traces d’un fabuleux fabuliste à la fois cigale et fourmi. Par François Bott.

Il faut l’imaginer faisant la sieste en été, à la campagne, et rêvant ses fables, ses animaux, ses personnages, le renard, le corbeau, les pigeons, la cigale, la fourmi et les autres. La France était le jardin de cet inspecteur des Eaux et Forêts, qui a distrait et charmé, parfois enchanté plusieurs générations d’écoliers, même les cancres du fond de la classe. Sous la plume de Valère Staraselski, voici joliment écrit, avec un parfum du XVIIème, un roman dont le héros s’appelle La Fontaine. C’est fait pour adoucir l’automne et les mœurs. Valère se promène comme chez lui, dans ce siècle. Il imagine, par exemple, une rencontre (savoureuse) entre La Fontaine et deux collégiens dans les jardins du Luxembourg. Les jeunes gens sont « sidérés », comme on dit depuis l’affaire D.S.K. Si La Fontaine continue d’avoir les faveurs de la population lycéenne, c’est que cet homme amoureux des femmes (notamment de sa logeuse et protectrice, Mme de La Sablière) fait à sa façon l’éloge de la paresse, l’apologie de la nonchalance. Ce rêveur impénitent, inguérissable, aurait milité pour les 35, voire les 25 heures. Il était l’ennemie de la fureur et du fanatisme - le surmenage des imbéciles. « Se sentir vivre suffisait à son bonheur. » Voilà de quoi légitimer et conforter les cancres du fond de la classe. Cependant, La Fontaine avait à la fois le côté « cigale » et le côté « fourmi ». Il écrivait ses fables avec le soin, l’application des bons élèves, car il avait l’amour et le respect des mots, le souci de la perfection, même s’il était désolé que les fables soient considérées comme un genre mineur, par les gens de lettres. Celles de La Fontaine donnent tranquillement des leçons d’indépendance à l’égard de tous les pouvoirs. Il ignorait l’art de « courber l’échine » - « l’art de la souplesse », comme le dit Valère Staraselski. Ce genre d’ignorance n’est jamais très répandu. Jean Giraudoux avait décrit « les cinq tentations de La Fontaine », Valère Staraselski raconte les quatre saisons de son existence. L’hiver de sa vie se passa dans la gêne, le froid, la mélancolie, sinon la misère. Sur son lit de mort, il résista comme il pouvait à la pression de l’Eglise, qui le força à renier ses écrits, notamment ses « Contes ». c’est peut-être pour échapper aux dévots que La Fontaine rendit l’âme.

F.B.

Le maître du jardin, de Valère Staraselski publié aux éditions du cherche midi, 184 pages 15 €