Valère Staraselski, auteur d’une biographie remarquée de son maitre, le poète Louis Aragon (éd. L’Harmattan), signe cette fois un roman qui ne passera pas inaperçu. D’abord par son titre, Monsieur le député. Simple, exhaustif, clair. Son héros est un député de droite, tendance libérale, cuvée Madelin. Nous sommes en 1999. Jospin est à Matignon et la droite dans l’opposition depuis deux ans. Marc Plassard est un jeune élu d’une circonscription tranquille des Hauts-de-Seine, un célibataire « bien dans ses pompes » de libéral qui fréquente déjà les « grands » de son parti. Le fringuant député aime les femmes qui le lui rendent bien. Entre les séances de nuit à l’Assemblée et les diners politiques qui s’éternisent, Marc et sa maitresse, Adeline, épuisent passionnément leurs corps dans le lit clandestin d’un hôtel parisien. Là, pour un moment, s’évanouissent les vanités de l’homme de pouvoir et la vacuité refoulée de sa vie de parlementaire bien remplie. En 1999, la guerre du Kosovo distille quotidiennement une angoisse que Plassard, partisan déclaré de l’intervention militaire des Occidentaux, vit secrètement très mal. C’est que sa mère est d’origine serbe... Déchirures, solitudes, lassitudes...
Staraselski ne ménage pas la vie de son héros : qu’il le fasse appartenir un autre bord que le sien n’est pas la raison du sortilège qu’il lui jette. A travers ce roman, l’auteur sonde la fragilité, la sensibilité, la précarité des reins et des cœurs de ces grands félins politiques qui semblent avoir tout pour réussir ; tout sauf, parfois, une vie ou le bonheur se reflète sur le visage d’un autre, d’une autre. Ce portrait, sans concession, d’un politique moderne, sert paradoxalement à réhabiliter une « profession »qui n’abrite pas que des cyniques et des escrocs.
Malgré des longueurs dues à la reproduction de débats parlementaires, intéressants du reste sur le plan historique, Valère Staraselski réussit à tenir son lecteur en haleine. A nous rendre ses personnages criants de vérité. A faire de sa fiction le roman de notre histoire.
Michel Cool, Témoignage chrétien, 2002