RENCONTRE - Valère Staraselski
Valère Staraselski nous a concocté un nouvel opus. Nuit d’hiver est un roman qui explore les drames d’une enfance des années 1960 et les tourments d’un homme, pianiste réputé, à l’aube du nouveau siècle.
NVO : Vous écrivez des romans, des essais, vous êtes journalistes. Or, ce sont des formes d’écritures différentes. Comment arrivez-vous à construire une histoire sans être « parasité » par ces différentes formes ?
Valère Staraselski : Pour vous répondre le mieux possible, je reprendrai Montesquieu : « Quand je lis, je lis, quand je danse, je danse, quand je dors, je dors, quand je mange, je mange, etc. » Cela pour dire que les auteurs pratiquant plusieurs formes d’écriture ont toujours existé. Et que cette pratique plurielle renforce en quelque sorte l’expression car elle l’ajuste.
C’est vrai que l’exemple de Diderot m’est un grand exemple. Pour la fiction, le besoin d’imaginaire est tellement pressant en moi que devant la page blanche, cela s’impose. C’est une vision des choses, du réel de mon esprit que j’accepte, que je prends au sérieux et que j’essaie de mettre en texte, en roman. Donc, dans ce moment-là, je baigne dans cette seconde vie et rien ne peut la parasiter. Et c’est la même intensité, cette fois intellectuelle, pour un article, un essai.
Nuit d’hiver, votre nouveau roman, marque-t-il une rupture avec vos romans précédents ?
Si Nuit d’hiver marque une rupture, sans doute réside-t-elle dans l’écriture. J’ai toujours récusé le laisser-aller à la mode - ceux qui écrivent comme ils parlent écrivent mal, disait Buffon - je me refuse à ce que je considère comme des facilités. Là, avec Nuit d’hiver, il y a des enfants et l’écriture en est peut être plus libre...
Vous racontez l’histoire d’un jeune garçon, devenu pianiste, élevé par un oncle et une tante dans un village des environs de Paris. La représentation que vous faites du monde rural des années 1960 montre une connaissance réelle de ces milieux. Y a-t-il une part de souvenirs personnels ?
Oui, bien sûr, Nuit d’hiver est pour une part autobiographique. J’ai mis quelque temps à comprendre que j’appartenais de toute mon âme au milieu populaire. C’est sans doute là que je peux être le plus moi-même sans avoir peur d’être jugé. Et c’est sans doute là que je suis le plus heureux en société ! J’ai en fait peu d’attirance que ceux que Virginia Woolf nommait les middlebrow, disons les « gens d’esprit ». Il y a beaucoup d’égocentrisme, de parlotte et surtout de superficialité qui aboutissent trop souvent à l’ennui ou au n’importe quoi...
L’intrigue de Nuit d’hiver se situe dans cette France du début des années 1960, encore fortement rurale, qui physiquement ressemblait encore à celle que les enfants découvraient dans les livres d’histoire illustrée. Les villages, les bourgs étaient très peuplés, très vivants. Deux mondes se télescopaient, les vieux à bérets et les mannequins Monoprix... Trente ans après, dans les années 1990, j’ai connu un agriculteur dans un village non loin d’Amiens, il représentait la force et la tranquillité et était très aimé. Un matin, on l’a retrouvé pendu dans sa grange... Les changements ont été extrêmement brutaux.
Un mot sur Prague, une ville que vous semblez aimer...
La Prague que j’aime est celle d’avant l’an 2000. Depuis, je crois que le roi-argent a dû pas mal la défigurer. En outre, je m’y rendais l’hiver, période hors saison, dans une location du quartier Malà-Strana, ne me déplaçant qu’en tramway, donc je me trouvais mêlé aux Praguois. Prague, c’est la beauté et l’art européen, mais les déchirements aussi entre catholiques et protestants, Hitler au Hradcany et le chef SS Heydrich exécuté par des parachutistes tchèques. Et puis 68, le Printemps de Prague, l’arrêt d’un processus d’émancipation du socialisme, du communisme. Sans doute, dans la période que nos traversons où les européens commencent à faire massivement la dure et violente expérience que le capitalisme n’est pas la panacée, il est peut être temps pour les progressistes de reprendre le fil qui a cassé lors de l’écrasement du Printemps de Prague.
Propos recueillis par Julien Sevran La Nouvelle Vie Ouvrière 14 novembre 2008
Nuit d’hiver de Valère Staraselski
br /> publié aux éditions du cherche midi Collection2 8 août 2008
ISBN : 978-2-7491-1294-7
16 € ttc
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