Valère Staraselski

Sur les toits d’Innsbruck
L’Amour, la mort en ce jardin - Philippe Lacoche
Service Littéraire - novembre 2015

Valère Staraselski signe une fable dense et riche qui est un véritable petit joyau.

Spécialiste d’Aragon, Valère Staraselski a écrit une vingtaine de livres, essais, romans et recueils de chroniques. « Sur les toits d’Innsbruck » est certainement le meilleur de sa production. Ce texte est une fable métaphorique qui évoque la nature, la mort (la chevrette), l’amour (qui unit la jolie Katerine Wolf au mûr Louis Chastenier) et la tentation de la foi (la chapelle devenue lieu de refuge). Il dissèque donc la rencontre de Katerine, née enAllemagne de l’Est l’année de la chute du mur de Berlin, avec un autre randonneur, Louis, français, expert en bois. Le cadre est superbe : les Alpes d’Autriche,le Tyrol, les monts qui surplombent Innsbruck. Ils discutent, critiquent la société de consommation, ils déplorent les menaces des catastrophes écologiques, économiques, politiques. Sous « les senteurs lourdes des arbres » ils cristallisent leurs sentiments, puis échangent leurs numéros de téléphone. Dans une chapelle refuge, ils découvrent une chevrette blessée. Elle va mourir. C’est l’occasion pour Valère Staraselski de nous donner à lire un magnifique passage sur la fin de vie, avec une minutieuse description de l’anesthésie de la chevrette, avec « le bruit du vent » dans la chapelle qui «  repousse le silence ». Et c’est le paysan appelé à la rescousse qu’il décrit quand celui-ci tue l’animal avec une dague. Précision du vocabulaire anatomique, « le sang bu par la terre ». Une écriture sobre et racée, digne des meilleures pages de Roger Vailland dans « Les mauvais coups ». La mort est bien présente, quand l’auteur nous apprend que Katerine, atteinte d’un cancer, porte une prothèse d’un sein. Cela n’empêchera pas le couple de s’aimer. Autre passage fort : la disparition, puis le retour du chat Aliocha, dans la neige et l’obscurité. Staraselski est un excellent conteur qui, parfois, fait penser à Dickens. L’opus prend fin sur des conversations politiques ; le capitalisme est bousculé, maudit (ils citent de Gaulle : « Les possédants sont possédés par ce qu’ils possédent. ») ; le communisme excessif aussi ( le génocide kmer et l’ordre de Mao de détruire tous les oiseaux de Chine). Un vrai petit joyau.

Philippe Lacoche

Sur les toits d’Innsbruck, de Valère Staraselski, cherche midi, 138p, 12,50 €