Réédition de deux romans de Valère Staraselski qui ne font pas désespérer l’humanité...
Valère Staraselski est désormais un écrivain reconnu, même si on ne le voit pas passer d’un plateau de télévision à l’autre... Pour preuve, après la parution, l’été dernier, de son roman « Le Maître du jardin », voici qu’il bénéficie de deux rééditions. « Un homme inutile », paru initialement en 1998 aux éditions Parole d’Aube, avait déjà été réédité en 2003 à La Passe du Vent et voici que Le cherche midi le publie à nouveau... « Nuit d’hiver », son cinquième roman, avait été donné à lire en 2008 par Le cherche midi et ce sont aujourd’hui les éditions De Borée qui l’offrent à nouveau à la lecture dans leur collection « Terre de poche ». L’occasion est belle de redécouvrir un romancier discret dont l’humanisme n’est jamais pris en défaut.
Ce n’est sans doute pas un hasard si « Un homme inutile » est réédité : ce roman est toujours d’une brûlante actualité. Brice, l’homme inutile du roman, est emblématique du temps : diplômé, sans emploi, il finit aspergé d’essence et meurt carbonisé sur le parvis d’une église parisienne... Ses amis : un sans-papiers, un SDF..., rien de bien original. Valère Staraselski démonte avec une rigueur impitoyable les mécanismes qui broient les hommes dans cette société où l’argent est devenu le maître suprême. Mais le roman, s’il se termine mal, n’est pas négatif : il montre que la solidarité existe et que la lutte collective est nécessaire. Valère Staraselski se retranche derrière un ton neutre et froid pour raconter cette lente descente aux abîmes de Brice qui n’en prend que plus de relief.
Métaphores
C’est toute l’horreur d’une époque, notre époque, et d’un système que les discours convenus sur la crise essaient de sauver pour le profit d’une minorité, qui est dénoncée. Ce livre est non seulement utile, mais aussi une invitation à la lutte.
« Nuit d’hiver » est un livre moins facile, moins immédiat mais tout aussi prenant. Joseph Esperandieu (le bien nommé), le temps d’un voyage en autobus vers Prague, va revivre son enfance et la lente construction de son identité dans le milieu hostile qu’est la famille qui l’a recueilli. Roman prenant au-delà des descriptions d’un intérêt sociologique évident quant à la vie dans un milieu humble des années soixante du siècle dernier : l’espoir n’est pas mort, le petit Joseph découvre la musique et devient pianiste... « Nuit d’hiver » est un roman d’initiation. La fin du livre, métaphorique avec l’air de musique de Carl Philipp Emanuel Bach qui hante Joseph et le tableau d’Adolf Kosarek, « Une nuit d’hiver », éclaire singulièrement une vie racontée par Valère Staraselski avec une rare efficacité.
Les deux romans ont un point commun ; il ne faut pas désespérer de l’homme, à condition de lutter lucidement contre l’ordre qu’on veut nous imposer. La leçon est valable pour les jours que nous vivons et l’horreur qui menace...
Lucien Wasselin
« Un homme inutile », le cherche midi éditeur, 204 pages, 14 €