Valère Staraselski

De la France de Louis XVI à celle de Jacques Chirac.
François Eychart, Les Lettres Françaises, octobre 2006

Les élites sont d’autant plus indifférentes à la crise qu’elles y échappent et savent faire retomber les effets sur ce qu’il faut bien appeler le peuple.
Avec cette Histoire française, Valère Staraselski revient sur la société actuelle...

Dans son précédent roman, Monsieur le député, Valère Staraselski s’attachait à l’itinéraire intime d’un homme politique d’aujourd’hui. Il y dévoilait les intrigues qui constituent l’ordinaire de ce qu’on ose appeler une profession, bien que c’en soit une, par certains aspects techniques qui y sont attachés. Charge acérée que les moeurs de ceux qui gouvernent, ce roman montrait leur incapacité à affronter la crise dans ses aspects sociaux et politiques, mais aussi à saisir l’effondrement des valeurs démocratiques qui sont pourtant mises en avant pour écarter toute critique de fond. Les élites sont d’autant plus indifférentes à la crise qu’elles y échappent et savent faire retomber les effets sur ce qu’il faut bien appeler le peuple.
Avec cette Histoire française, Valère Staraselski revient sur la société actuelle tant les similitudes entre la France de Jacques Chirac et celle de Louis XVI sont troublantes.
Cette Histoire française est le récit des vingt-cinq années qui précèdent le choc de 1789 telles que les revoit l’avocat Doudeauville qui se croit à l’article de la mort. La chronique qu’il en fait, alerte, piquante, passionnée est celle d’un observateur proche du Parlement de Paris dont les intrigues aggravent la crise du régime. Les difficultés de toutes sortes qui affligent le peuple et l’incapacité du pouvoir royal à leur trouver des solutions ou à les imposer aux privilégiés ont donné aux Parlements la réputation d’être des tenants du changement. Pourtant ils sont loin de relayer les revendications populaires et c’est à juste titre que Voltaire dénonçait leur pente naturelle à défendre les privilèges de la noblesse de robe et de la grande bourgeoisie. La question de la capacité du pouvoir royal à promouvoir des réformes est posée et constitue un des centres d’intérêt du roman. En effet, l’assise historique de la royauté lui donnait les moyens de conduire l’évolution du pays mais ses tergiversations et ses recules la privèrent des soutiens nécessaires et provoquèrent sa perte.
Tous ces événements sont suivis avec passion par les protagonistes du roman. La compréhension qu’ils en ont se fait au travers de leur sensibilité résultant pour certains de la pensée chrétienne, pour d’autres de celle des Lumières dont les grandes figures dominent l’époque. Tous recherchent une issue au blocage de la société. Il est donc naturel que Marc-Antoine Doudeauville, qui commence son ascension, rencontre Constance, belle figure d’intellectuelle nourrie de Rousseau, de Diderot, de Voltaire... et Maisonseule, l’esthète exigeant, qui lui aussi rêve d’une autre vie. Sur leurs réflexions planent aussi les événements d’Irlande et d’Amérique, formidables leçons qui annoncent des mondes nouveaux. Leur évolution éclaire cette fin d’un régime que l’auteur arrête volontairement au seuil de sa chute.
Ce roman renouvelle agréablement la connaissance qu’on a de la vie du Paris pré-révolutionnaire, avec ses aspects pittoresques, sa dureté pour les pauvres et les raffinements qu’il offre aux privilégiés. Mais surtout il touche à un problème capital : comment appréhender le futur ? C’est en cela qu’il est un des plus ambitieux de Valère Staraselski.