Qui est Valère Staraselski ? un homme politique engagé, qui n’a pas eu de mandat électif durant plus de 50 ans ? un romancier édité tout d’abord chez Messidor ? un journaliste défenseur de la cause du service public ? un amoureux, aimant les femmes, aimant et aimé des militants ? Tout ceci à la fois.
Je l’ai rencontré après la parution de son premier roman Dans la folie d’une colère très juste, qui avait le mérite à l’époque, en cette fin des années 1980 et de la Guerre froide, c’était exactement en 1989, de traduire, en une histoire, les faits de la grande Histoire, en faisant honneur en l’engagement du colonel Fabien lors de la Libération de la France ; correspondre à son temps. Telle semblait la mission de ce roman qu’il faudrait relire aujourd’hui pour réaliser la décadence de ces décennies passées en un coup de vent, avant la nuit qui s’abat, peu à peu, sur les magnifiques idéaux nés de la Résistance et du CNR. Avant la grande chute finale…
Valère en homme engagé a tenu le cap ; il est bien l’un des rares que je connaisse ; tous les autres ou presque ont soit abandonné, soit sont sortis par la petite porte de l’individualisme et de la mise en quarantaine, isolé, oublié, enfermé dans leur propre moi sans autre raison que l’attente d’une fin anonyme ; les autres ont changé, comme nous tous, ont trahi un peu, beaucoup. Certains ont épousé la cause des volte-face, des petites compromissions qui ont amené à la déroute idéologique de tout un camp. Il est plus facile de se placer dans la posture des impostures par les mots et les attitudes morales tout en conservant son propre mode d’existence petit-bourgeois. Tous salariés de l’Etat et tous condamnés à ne rien dire. Damnés ; car il s’agit bien de damnation. Subir, se taire, refuser l’engagement, surtout lorsque l’on ne risque rien. Et quand c’est le cas, se réfugier dans l’entre-soi des petites misères des ego surdimensionnés.
Rassurez-vous, je ne vise personne ; et si je pense à quelqu’un, c’est bien à moi. Quant à ceux qui voudront bien se reconnaitre, je leur demanderais uniquement de réfléchir quelques minutes seulement à ce qui s’est passé durant toutes ces décennies hurlantes de com à deux balles, affligeantes sur le plan culturel, catastrophiques pour la nation, pour son économie, pour l’Etat, les citoyens. La France.
Valère Staraselski s’est battu, en combattant, en soldat, pour défendre ses idées par le biais qu’il s’est choisi : c’est-à-dire celui de l’écrit, de la fiction, de l’essai ; il est docteur ès lettres et sa thèse sur Aragon a fait l’objet de deux livres indispensables pour connaître et comprendre l’œuvre magistrale de ce grand auteur du XXe siècle, qui n’est pas assez lue, connue, étudiée par les nouvelles générations, il me semble, mais je reste persuadé qu’elle finira par renaître pour encore plus étonner les futurs lectorats. Ses romans : La Semaine sainte, Les Communistes… Ses essais : Henri Matisse roman… Théâtre/Roman…
Être fidèle, c’est d’abord l’être à soi ; Valère a tenu le cap durant un demi-siècle ; c’est là une force inouïe, une constante tout en changeant de position en fonction de l’état des forces et des relations politiques, internes et internationales : être stratège et tacticien à la fois mais sans changer de cap idéologique fondamental, tout en conservant ses valeurs fondamentales ; peu ont le mérite et le talent de l’être ; c’est parfois voire souvent incompréhensible pour le commun des mortels, ceux qui ne lisent pas les articles, les livres de fond qui paraissent au fil du temps car c’est un vrai travail chronophage, qui prend de l’énergie et demande connaissances, vision et audace pour déceler l’avenir qui pointe ses dents.
Ses romans notamment expliquent son parcours et l’on ne peut que lire ou relire les ouvrages qui revisitent la royauté sous Louis XIII, la Révolution française, la France des années 1980 et 1990, quand se sont étiolées les valeurs populaires, les victoires concrètes et symboliques fortes nées de l’immédiat après-guerre, et quand s’est effondré tel un château de cartes le camp de l’Union soviétique.
La France fut la fille aînée de Rome ; puis de Moscou, avant de s’anéantir dans l’artifice de la pseudo culture américaine, victoire des vainqueurs de l’Ouest après 1945, qui imposèrent leur mode de vie, leu cinéma, leur musique, leurs habits à un peuple qui n’en finissait plus de ne pas s’aimer. Un peuple rendu coupable par les soixante-huitards et les nihilistes de l’humanité, un peuple honni, renvoyé aux basses fosses, plongé dans le sexe, la drogue pour qu’il ne se reconnaisse plus. Ainsi, rendu ignorant de lui-même, le seul choix qui lui fut fait a été de se résigner à se soumettre, politiquement, culturellement, à toutes les cultures, musiques, modes, religions extérieures face à une décadence sans nom. Réduits à l’état de simples consommateurs, les citoyens français ont disparu de la collectivité réelle, pour devenir des serfs, censurés, confortés dans l’autocensure de leurs idées, de leur passé, de leur projet commun collectif.
Valère Staraselski écrit donc des romans où sont évoquées ces questions : la place de l’homme dans la société, au travail, confronté à la misère, celle des animaux aussi, les valeurs qui ont fondé cet Etat de mille ans… la France s’est construite aussi grâce aux rois, l’immense Louis XI, Richelieu, Louis XIV.
Lui qui aime les citations ne renierait pas celle que j’ai mise en exergue à ma pièce Darius roi : c’est de Michelet !
« Français, de toute condition, de toute classe, et de tout parti, retenez bien une chose, vous n’avez sur cette terre qu’un ami sûr, c’est la France. Vous aurez toujours, par-devant la coalition, toujours subsistante, des aristocraties, un crime d’avoir, il y a cinquante ans, voulu délivrer le monde. Ils ne l’ont pas pardonné, et ne le pardonneront pas. Vous êtes toujours leur danger. Vous pouvez vous distinguer entre vous par différents noms de partis. Mais, vous êtes, en Europe, comme Français, condamnés d’ensemble. Par-devant l’Europe, la France, sachez-le, n’aura jamais qu’un seul nom, inexpiable, qui est son vrai nom éternel : La Révolution ! ».
Pourquoi ces circonvolutions me direz-vous ? Ce que j’avance reviens à expliquer peut-être les raisons de l’écriture de ce petit livret Voyage à Assise, réédité 23 ans après sa première édition, à l’époque en un petit livre tract. Car on peut légitimement être très surpris de voir l’auteur dans la posture du défenseur éventuel d’un des piliers de l’église catholique. Je ne vous ferais pas le coup de la main tendue de Thorez aux catholiques, juste avant la seconde déflagration mondiale qui fit se rassembler dans le même camp nombre de résistants de toutes obédiences à l’opposition au 3ème Reich. Je me souviens de l’anecdote qui me fut racontée qu’un prêtre de la Résistance en Savoie balançait des grenades sur des camions de soldats allemands et venait ensuite leur donner l’extrême onction. L’humanité n’empêche pas les combattants d’exercer la compassion à l’égard de tous les êtres humains.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ; Valère n’a jamais été dans la haine mais dans la compréhension. Dans l’analyse plutôt que l’invective. Dans l’échange et le don plutôt que dans ce sinistre buzz médiatique devenu la croix de la pensée. Il dit ce qu’il pense, il argumente, il explique avec l’appui de citations historiques, d’idées philosophiques, d’extraits des œuvres des écrivains. Et c’est un travail ; un labeur. Je l’ai vu noter et annoter textes, livres, manuscrits de sa fine écriture pour compléter une conférence, un article, un livre.
Et pour revenir au Voyage, il nous raconte ce qu’il a vu, entendu, rappelant les mots des dignitaires religieux catholiques, juifs, orthodoxes, bouddhistes, musulmans ; même si pour ces derniers je ne leur ferai pas la part belle, les ayant très peu entendus après les massacres commis en France entre 2012 et 2015. Mis à part, pour être juste, l’immam de Drancy. Car il existe des choses pour lesquelles il ne peut y avoir de pardon, en mémoire notamment de Charb, Cabu et Wolinski.
Si le rappel de l’entente ou du moins du dialogue interreligieux peut être une cause de l’avancée de l’idéal de paix, on ne les pas beaucoup entendu également pour condamner le génocide du 7 octobre 2025 et la mort d’une quarantaine de Français, dans des conditions dignes des opérations des Einsatzgruppen. Ni de la condamnation des faiseurs de guerre en Ukraine avec le soutien affiché des dignitaires européens ou de la grosse Commission aux bataillons néo-nazis d’Azov et des bandéristes. Lisez l’article sur l’encyclopédie du net pour savoir qui était Stepan Bandera et vous comprendrez le projet de ce vassal d’Adolf Hitler…
Valère Staraselski n’abandonne pas ; il recherche l’harmonie humaniste dans tous ses écrits. Il soulève les questions et les réponses apportées sont celles de l’évidence après coup, de la nuance, de la filiation historique, empreintes d’une force je dirais quasi mystique : celles en la croyance en la liberté humaine, la protection des faibles, la condamnation de toutes les injustices.
Car celui qui tolère les injustices et les atteintes à la dignité des êtres humains rejoint le côté obscur et diabolique de celui qui n’est pas, plus humain. Celui de la désespérance, de la solitude absolue, de la folie. Celle de l’ignorance ; de la mauvaise foi ; de la négation de l’histoire. Avant un néant inextinguible.